Tous les jours, après dîner, Pierre-Luc Gagnon quitte sa résidence de Carlsbad, entre Los Angeles et San Diego, et monte sur sa planche à roulettes pour se rendre à la rampe. Avec quelques amis, il perfectionne pendant des heures ses figures, tombe, grimpe les escaliers de la structure haute de plus de 4 m et recommence.

Cette routine n'est pas si différente des après-midis que le champion de skate-board passait avec sa bande de Boucherville lorsqu'il s'est initié à la planche à roulettes, à l'âge de 8 ans. À l'époque, son père, Denis Gagnon, devait le pousser afin qu'il prenne l'élan dont il avait besoin pour monter la haute rampe.

Celui que l'on surnomme PLG réalise son rêve depuis plus de 10 ans. Il est l'un des meilleurs planchistes au monde, sinon le meilleur. À 31 ans, l'homme à l'éternelle casquette a remporté les compétitions les plus prestigieuses de rampe verticale: 17 médailles au X-Games, dont 7 d'or, et 2 victoires au Dew Tour Championship. La semaine dernière, il était de retour sur la Rive-Sud pour assister à l'Empire Backyard Party, au South-Park Skatepark de Brossard.

Recherche et développement

Pour Pierre-Luc Gagnon, la planche est une forme d'expression artistique. Il est d'ailleurs le père de nombreuses manoeuvres qui semblent défier les lois de la gravité. «L'important, c'est d'avoir son propre style et d'innover, dit l'athlète, joint en Californie, où il habite depuis 10 ans. Ici, on n'aime pas vraiment ceux qui ne font que copier les trucs des autres.»

Lors de ses compétitions, PLG est notamment jugé pour l'originalité de ses prouesses, comme en patinage artistique. «Mais on n'a pas d'entraîneur et il n'y a aucune figure imposée. On apprend nos trucs entre amis et on se donne des conseils pour s'améliorer.»

Si l'ambiance d'une compétition de skate-board est différente de celle d'une piscine de nage synchronisée, la forme physique est à la base du succès, comme dans tous les sports. Le skater commence ses journées par une période d'entraînement dans son garage, transformé en gymnase. Il boxe, lève des poids, court et saute à la corde. «Ça améliore ma performance, et ça me permet d'éviter les blessures, dit-il. On est des professionnels et il y a beaucoup d'argent en jeu. On se doit d'être rigoureux.»

Le train de vie des acrobates de la planche est tout de même ponctué de soirées bien arrosées... «On travaille fort, mais on aime aussi faire la fête, affirme le sportif aux allures d'éternel adolescent. Chaque chose en son temps. Lorsqu'on arrive à l'hôtel Palms, à Las Vegas, on est traités comme des vedettes rock. Il faut seulement savoir quand arrêter.»

Le plus cool des papas

Derrière la carrière du planchiste, il y a un père dévoué. Denis Gagnon a toujours cru au potentiel de son fils. «Mais j'aurais été aussi fier s'il avait été un bon médecin ou un bon plombier, pourvu qu'il fasse ce qu'il aime», dit-il.

Lorsque PLG avait 12 ans, le professeur d'éducation physique est devenu propriétaire d'un skate park intérieur à Boucherville. À l'école secondaire, Pierre-Luc a pu conjuguer livres et planche grâce au programme sport-étude.

«On voulait qu'il fasse son secondaire de la façon la plus agréable et facile possible, explique M. Gagnon. Pierre-Luc est brillant, mais l'école, ce n'était pas son truc. S'il avait de bons résultats, il pouvait skater. Le contrat était clair, mais il m'a joué un tour. En cinquième secondaire, il est devenu champion du monde amateur. La première année, il faisait le même salaire que moi!»

S'il est immensément fier de son fils, M. Gagnon remarque que, après plus d'une décennie au sommet de sa discipline, le Québec ne fait que commencer à s'intéresser à ses médailles. «Ça me déçoit parce que si Pierre-Luc était plus connu, ça éveillerait certains parents. Il est la preuve qu'il est possible de vivre des sports extrêmes. Il n'y a pas que le hockey.»

Avec l'intérêt grandissant pour les sports d'action au Québec, PLG espère revenir voir ses parents plus souvent. Il se donne comme mission d'inspirer les jeunes qui, comme lui, veulent suivre leur passion. «Quand on était petits, on ne croyait pas que des Québécois pouvaient devenir champions. Pourtant, je gagne ma vie à faire du skate.»