Le coeur d'un enfant est grand comme le monde. Dès les premières heures de son existence, il témoigne de sa vie et de nos espoirs. Parfois ce coeur déraille. Parfois le médecin diagnostique des ratés. C'est là qu'intervient la grande magicienne parmi d'autres magiciens: docteure Nancy Poirier. Depuis l'an 2000, elle fait partie de l'équipe des Sciences cardiaques de l'hôpital Sainte-Justine. L'éminente spécialiste en chirurgie cardiaque pédiatrique met également sa science au service des adultes à l'Institut de cardiologie.

La Presse et Radio-Canada reconnaissent sa contribution remarquable à la science et à la médecine en la choisissant Personnalité de la semaine.

Partout à la fois

«Oui, ils sont très petits, dit-elle en parlant de ces bébés (de tout juste 600 grammes parfois) qu'elle opère, on doit utiliser de puissantes loupes.» Nancy Poirier qui en opère près de 160 par année, précise: «Je répare toutes sortes de choses». Des malformations congénitales, problèmes du muscle, ligature de vaisseaux, etc.

Le coeur d'un bébé est grand comme un petit oiseau? «Fermez le poing de l'enfant et vous aurez la grandeur de son coeur».

A-t-on idée du nombre d'heures d'études qu'il lui a fallu pour en arriver à son degré de compétence? Depuis le bac jusqu'à la sur-spécialisation: 18 ans! «Et je ne cesse jamais d'apprendre». Elle a commencé sa carrière à 35 ans. Elle a repris avec l'équipe du CHU le programme de transplantation cardiaque pédiatrique et instauré le programme d'assistance ventriculaire gauche (coeur de Berlin). Résolue à ce qu'il n'y ait rien d'impossible, elle confie: «Il est plus facile d'opérer que de dire qu'il n'y a rien à faire».

Afin de lever le voile sur des inconnus qui persistent, elle a accepté l'organisation du 6e Congrès international de transplantation pédiatrique tenu à Montréal au mois de juin dernier. Cet engagement, un parmi de nombreux autres, fait rayonner Sainte-Justine sur le plan international et elle en est fière. C'est une ambassadrice de premier plan pour la Fondation et la notoriété de l'hôpital. Ce sont ces congrès partout dans le monde qui lui permettent, entre autres, de prendre la tête du convoi. Coorganisatrice des missions Sainte-Justine au Coeur du Monde, elle a apporté son expérience au Maroc en 2006 et plus tard en Égypte. Elle a opéré sur place plus d'une centaine d'enfants et transmis son savoir. La chirurgie pédiatrique cardiaque est l'une des plus complexes en médecine.

Le leadership du médecin est comme celui d'un chef d'orchestre. «Lorsque la chimie fonctionne, le travail en équipe est pour moi d'une très grande beauté.» Il ne s'agit pas seulement d'opérer, de travailler plus fort que les autres, il lui faut exercer une autorité qui se trahit par son perfectionnisme, l'acuité des gestes posés. «J'aime ce que je fais et je travaille avec des gens hyper passionnés, qui font preuve d'une volonté d'apprendre constamment.»

Émotion et logique

«Le coeur de la vie? Non, je ne vois pas l'âme quand j'opère un petit coeur. On doit se détacher de ses émotions et rester logique» explique cette femme profondément croyante. Elle va jusqu'à réciter «une petite prière pour un petit corps et j'y mets tout mon coeur...» Sa sensibilité rejoint solidairement les parents d'enfants malades. Elle est la mère de Philippe, un petit garçon autiste de huit ans. Et aussi d'Évelyne qui a sept ans. Ce n'est pas tout. Elle est aussi marraine d'enfants et se donne comme mandat notamment «de les aider dans leur foi».

Nancy Poirier a vu le jour à Sept-Îles d'une mère irlandaise et d'un père natif du Nouveau-Brunswick. Naturellement, l'anglais est sa langue première. Cependant, elle s'exprime en français à merveille. Son petit frère est décédé à l'âge de six ans d'une leucémie, mais elle n'y voit pas de lien, sinon subliminal, avec sa carrière de médecin. Ayant fait du piano pendant 10 ans, elle a aussi enseigné la musique. Petite fille active entre études et sports, elle est une adulte solitaire et lit beaucoup. «Aujourd'hui? Entre deux hôpitaux, deux jeunes enfants, je lis essentiellement ce qui s'écrit en médecine générale et tout ce qui s'écrit sur l'autisme.»

Son plan initial en début de carrière était: «Aller dans le Grand Nord en médecine familiale, en obstétrique, je voulais que ce soit varié.» Elle s'est naturellement retrouvée au bloc opératoire avec un célèbre chirurgien. «Tout un personnage qui chantait de l'opéra en opérant!» À la suite d'autres circonstances, elle a eu «un coup... de coeur» pour la chirurgie cardiaque pédiatrique.

Petite anecdote récente, sa rencontre avec le couple princier, Kate et William lors de leur passage à Sainte-Justine. «Tout simples et très gentils», dit-elle, enthousiaste. Il persiste sûrement en elle une part du romantisme de son enfance, même si sans doute, est-il bien caché dans l'exercice de ses fonctions.

Je souhaite que ma chance se transmette à mes petits patients, car ils vivent une souffrance inacceptable.