La nomination de Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec, il y aura bientôt deux ans, a été accueillie avec scepticisme et stupéfaction. Que connaissait-il du placement? Force est de constater qu'il aura appris vite et surtout su remotiver une équipe talentueuse dont le moral était à plat. En 2010, la Caisse a réalisé un rendement de 13,6 %, ce qui la place parmi les premiers de classe dans la difficile industrie du placement. C'est pour saluer ce spectaculaire redressement opéré sous sa direction que La Presse et Radio-Canada nomment le président et chef de la direction de la Caisse, Michael Sabia, Personnalité de la semaine.

À son arrivée à la Caisse, ses quelque 700 employés étaient sans leadership depuis plusieurs mois, au beau milieu de la pire crise financière depuis la Grande Dépression.

« La chose la plus étonnante, la plus fascinante pour quelqu'un qui était passé par le Canadien National et par BCE, c'était le manque total de résistance au changement, explique M. Sabia en entrevue. Cette ouverture nous a permis de réaliser des changements rapidement.»

Travail d'équipe

Aussitôt en place, M. Sabia s'est attaqué à rebâtir l'équipe de direction. Il a agi rapidement pour envoyer le signal qu'on pouvait passer vite à autre chose. «Je voulais remobiliser l'organisation. «

Il a alors travaillé à rétablir les liens de confiance et de transparence avec les déposants. Inquiets à cause des résultats catastrophiques de 2008 (pertes de 40 milliards), ils étaient aussi étonnés de découvrir l'ampleur du recours à l'effet de levier pour des dérives spéculatives dans le papier commercial ou la dette mezzanine.

L'équipe de direction a ensuite entrepris de simplifier les stratégies de placement, de repenser la gestion du risque et aussi d'imprimer un virage à la culture de l'organisation.

«Dans le passé, nous avions beaucoup de silos, explique t- il. Le processus décisionnel se passait entre le président et le premier vice-président de chaque unité. Il y avait peu de prises de décisions dans une équipe de leadership. Mon défi était de casser les silos.»

Il fallait parvenir à concilier le travail d'équipe avec l'autonomie nécessaire au métier d'investisseur. La notion d'imputabilité a été renforcée.

En outre, le mode de rémunération a aussi été modifié. Les primes, qui sont la règle dans l'industrie, seront désormais attribuées en tenant compte non seulement de la performance personnelle et du mandat confié, mais aussi de l'effort d'équipe et de la performance globale de la Caisse.

Pour renforcer la notion d'équipe et briser davantage l'esprit de silo, la direction de la Caisse vise la mise en commun de compétences transversales. Cette expression, honnie dans les écoles, prend ici un sens très productif.

La Caisse entend se déployer davantage dans les ressources naturelles afin de profiter du boom mondial de ce secteur appelé à durer encore longtemps avec la croissance rapide des économies émergentes.

Leadership d'écoute

L'équipe de placements boursiers qui surveille le secteur rencontre désormais celle des placements privés qui fait le même travail. «Le partage de l'information au sein de l'organisation est formidable. Beaucoup d'expertise est découverte «, assure M. Sabia.

Bref, de hiérarchique, le leadership devient d'écoute. Durant le lunch, il arrive souvent que la somptueuse agora du 1000, place Jean- Paul-Riopelle serve de forum où un premier vice-président informe les employés des développements dans son secteur d'activité.

La santé de la Caisse étant rétablie, son effectif remobilisé, le cap est désormais mis sur son essor dans une économie de plus en plus mondialisée où le Québec devra tirer son épingle du jeu.

Avec son expertise et les talents de son personnel, la Caisse est parmi les rares fleurons du Québec capables de réussir sur le nouvel échiquier mondial. Peu de Québécois comprennent vraiment le potentiel de la Caisse. «Il faut bâtir cette organisation qui va gagner. Nos gens sont prêts à relever ce défi, ça les motive. Étant donné les turbulences qui agitent les marchés mondiaux, le leadership doit être d'équipe. Personne ne peut prendre seul les décisions. Surtout dans notre métier «, conclut M. Sabia.