Au fil de sa carrière, la chorégraphe Marie Chouinard, au moyen d'un travail acharné et assidu, a acquis une grande renommée internationale. Si ses créations lui ont valu de nombreuses distinctions prestigieuses, sa réussite rejaillit sur l'ensemble de la danse québécoise. Après plus de 30 ans, l'artiste affirme que son oeuvre est toujours devant elle.

La chorégraphe Marie Chouinard a reçu, la semaine dernière, le Prix du Québec en arts de la scène pour l'ensemble de sa carrière. Cette distinction prestigieuse s'ajoute au prix du Mérite artistique de la Fondation Imperial Tobacco récemment décerné à sa compagnie, ainsi qu'au titre de chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres que la France lui a attribué en 2009. Son nom vient d'entrer dans le Petit Larousse illustré et s'inscrira en 2011 dans le Dixel.

Dans cette consécration, elle voit une invitation à poursuivre sa trajectoire créative. Pour son apport à la danse et à la culture québécoises ainsi que pour son rayonnement international, La Presse et Radio-Canada nomment Marie Chouinard Personnalité de la semaine.

L'oeuvre devant soi

«Travail, travail, joie dans la création et encore travail», dit celle qui a débuté à l'âge de 22 ans comme artiste d'emblée multidisciplinaire. Elle a présenté une série de courtes pièces mémorables: la toute première, Cristallisation (1978), ou ce solo où elle se vendait aux enchères, Danseuse-performeuse cherche amoureux ou amoureuse pour la nuit du 1er juin (1981).

En 1990, elle a fondé sa compagnie, qui célèbre actuellement ses 20 ans d'existence. Cet anniversaire est souligné par une série d'événements exceptionnels, mais aussi - pour celle qui a publié un recueil de poésie et a nommé ses locaux La Bibliothèque - par la parution du magnifique livre COMPAGNIE_MARIE_CHOUINARD_COMPANY, aux éditions du Passage.

En 30 solos et 15 pièces de groupe, l'oeuvre de Marie Chouinard a dès ses débuts été plébiscitée sur les scènes internationales, dans les festivals et les théâtres les plus réputés, lesquels l'ont fidèlement reprogrammée d'une création à l'autre: «Il y a des lieux où je suis chez moi, le Théâtre Maisonneuve à Montréal, le Théâtre de la Ville à Paris, et Amsterdam, et Vienne, et Venise. Et Calgary aussi, où le public crie avant même qu'on entre sur scène!» Ainsi, mille spectacles ont contribué à former la réputation dont la danse québécoise jouit aujourd'hui à l'étranger.

Marie Chouinard était visionnaire, impétueuse, déterminée et bosseuse. Elle l'est toujours. Son oeuvre est devant elle: «Bien sûr que j'ai plus d'oeuvres devant que derrière moi, affirme-t-elle. J'en ai fait beaucoup entre 22 et 55 ans, mais j'en ferai encore plus d'ici 90 ans! J'avance mais mon horizon recule à mesure, alors j'ai l'impression d'en être toujours au même point. Quand je regarde ma première oeuvre, je vois que tout était déjà là. Après, c'est comme la nature, c'est une éclosion, chacune de mes oeuvres est une variation sur les mêmes thèmes.» Philosophe, férue de spiritualité orientale, Marie Chouinard a le sens du sacré, du plus grand que soi et de la place du rituel dans nos vies périssables.

Une artiste, une femme complète

Danseuse, chorégraphe mais aussi photographe et cinéaste, elle décide du visuel de sa compagnie, fait ses films, participe à la conception des décors, des costumes, des éclairages. En plus de diriger une grande équipe en tant que directrice générale de sa compagnie: «Lorsque des problèmes se présentent, et il s'en présente sans cesse, je suis tout excitée. J'adore prendre les difficultés à bras le corps, les transformer, trouver une voie de passage.» Comment fait-elle pour jouer avec autant d'efficacité, tout comme de grâce, avec toutes les sphères de sa vie? «Je dors quatre heures par nuit et j'ai une grande force de travail, une acuité et une capacité à changer instantanément de registre mental.» Créatrice, administratrice, idéatrice, gestionnaire, et mère aussi: «Je pourrais raconter combien ma relation avec mon fils est extraordinaire, passionnée, animée, mais je ne le ferai pas, c'est ma vie privée.» La maternité l'a néanmoins rendue plus efficace, plus productive encore, bien que création et maternité constituent pour elle des territoires distincts.

Une fois, une seule, elle n'a pas aimé une de ses chorégraphies, alors elle ne l'a montrée à personne. Mais ses pièces préférées sont légion. Elle cite pêle-mêle Body_Remix_Variations_Goldberg, Le sacre du printemps, la série des Cantiques, Le prélude à l'après-midi d'un faune, Étude no 1, Les trous du ciel, Le nombre d'or, que l'on verra enfin à Montréal en novembre 2011, et son plus récent solo, le premier depuis 20 ans, Gloires du matin. Elle conclut: «Je prépare un nouveau solo, trois courts films avec mes danseurs et deux nouvelles créations à partir de février prochain.»