Deux médecins du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Marco Sirois et Yannick Poulin, ont réussi l'exploit pour lequel de nombreuses années d'études les ont formés: sauver la vie de Michel Morin, 47 ans, qui souffrait d'une pneumonie foudroyante et qui ne répondait plus aux techniques de soins standards. Les conditions étaient extrêmes. Le patient, dans le coma, était au bord de l'abîme. Dans une ultime tentative pour le sauver, les deux médecins lui ont installé un poumon artificiel temporaire, une technologie de pointe encore très peu utilisée au pays. Mission accomplie!

L'intervention a eu lieu le 2 juillet dernier. Le 6 octobre, Michel Morin pouvait témoigner lui-même de sa résurrection. Ses sauveurs sont jeunes. L'un a 31 ans, l'autre 40 ans. Leur jeunesse doublée de compétence mais aussi d'une audace mesurée ont fait en sorte qu'ils n'ont pas craint de se servir d'une nouvelle technologie mise au point en Allemagne, le poumon Novalung. Et puis de dépasser les limites de leur savoir-faire. Les docteurs Marco Sirois, chirurgien cardio-thoracique, directeur du service de chirurgie thoracique du CHUS, et le docteur Yannick Poulin, pneumologue intensiviste, ont redonné espoir à leur patient. La Presse et Radio-Canada leur décernent le titre de Personnalité de la semaine, pour l'exploit de cette première intervention réussie au Québec.

La confiance

Découvert lors d'un congrès, le Novalung semblait être, dans leur esprit, un appareil indispensable à avoir dans le service de chirurgie thoracique du CHUS comme outil de pointe. Un patient, bon Samaritain, a avancé l'argent nécessaire. «L'appareil est jetable. On l'utilise et on le jette, car le «filtre» s'encrasse», dit le chirurgien, qui explique succinctement son fonctionnement. «C'est une membrane fabriquée d'une sorte de polymère qui permet des échanges gazeux. Greffé au niveau des jambes, elle permet au poumon de se reposer.»

L'appareil ne peut servir aux malades pulmonaires chroniques. La maladie de Michel Morin, bien que très grave, ses deux poumons étant atteints, était ponctuelle. Le patient était par ailleurs jeune, en bonne forme, sans antécédents majeurs sur le plan médical et les médecins l'ont considéré comme «parfait» pour subir cette intervention. Le succès de l'opération a été acclamé par toute la communauté médicale.

Médecins par choix

Le choix de devenir chirurgien a été naturel. Marco Sirois est né à Québec dans une famille de quatre enfants, tous devenus chirurgiens! Après de longues études spécialisées aux États-Unis, il est revenu il y a cinq ans s'installer à Sherbrooke, où ses compétences n'ont pas tardé à être observées. «Ce qui me plaît particulièrement au CHUS, c'est de pouvoir à la fois pratiquer, faire de la recherche et enseigner.» Il souligne: «C'est un enseignement sur le terrain; les résidents sont toujours avec moi.»

Yannick Poulin n'a que 31 ans. Le Beauceron de Saint-Georges a choisi de faire ses études de médecine à l'Université de Sherbrooke et pratique au CHUS depuis cette année seulement. «Au cours de ma pratique, chaque journée m'en apprend davantage», déclare ce passionné qui ne compte pas ses heures. «Je me sens très bien à l'intérieur du CHUS. Je trouve génial qu'en dépit de notre jeunesse, on puisse aller plus loin dans l'application des nouvelles technologies. Et l'approche est basée sur la vie.»

Les deux médecins sont conscients que l'intervention réussie sur leur patient était une action ultime dans l'espoir de sauver la vie de cet homme, père de famille, qui pouvait sans contredit profiter d'un sursis. Une manière de faire un pied de nez au destin. C'était risqué. Une première tentative d'intervention à l'aide du Novalung a eu lieu dans un hôpital de Montréal il y a plusieurs mois, et malheureusement le patient n'a pas survécu.

Le pneumologue est aussi un homme d'équipe qui reconnaît l'apport de tous dans cette réussite. «Avant de plonger, dit M. Poulin, oui, on a toujours des doutes. On doit toujours examiner les patients un à un, réfléchir, consulter, vérifier.»

Ce qu'il ne peut accepter, c'est la souffrance d'un patient. Par tous les moyens, le soulager. «Chaque patient qui meurt, sans être un échec, doit nous forcer à examiner ce qui s'est passé, à évaluer la valeur des actes qu'on a faits, nos limites.»

Depuis son enfance, il a toujours aimé les sciences et s'il n'avait pas fait sa médecine, son deuxième choix aurait été de devenir pharmacien. Il enseigne lui aussi au CHUS. À l'instar de son confrère Marco Sirois, malgré ses longues heures de travail, il veut atteindre un équilibre entre travail et vie personnelle.

Mariés, ils ont tous les deux un jeune enfant. Et ils cherchent chacun à leur manière le moyen idéal, selon leur personnalité, de refaire leurs forces vives, la tête et le corps dispos, pour retourner sur le terrain, sauver d'autres vies.

«C'est notre plus grande récompense que de voir marcher et sourire un homme après avoir compté les heures qu'il lui restait à vivre. C'est une grande satisfaction de l'avoir tiré d'affaire!»