Peut-on imaginer être privé de sa vie, de son identité, des gens qu'on aime, de son enfance, de ses souvenirs, du lieu où on vit? Il peut s'agir d'un accident bête et, instantanément, un peu comme un fil débranché, tout s'éteint. C'est l'amnésie. Éliane Parent venait d'avoir 18 ans quand la voiture dans laquelle elle prenait place a été percutée par un autre véhicule. Le coma. Le noir. Mais le Dr Cyril Schneider, grâce à une technique unique au monde, lui redonne espoir.

L'état d'Éliane Parent, qui aurait pu devenir irréversible, a commencé, deux ans plus tard, grâce à un traitement nouveau, à s'améliorer suffisamment pour qu'elle retrouve au moins une partie de sa mémoire.

C'est grâce au Dr Cyril Schneider, chercheur et professeur en neurosciences à la faculté de médecine de l'Université Laval à Québec, au département de réadaptation et au Centre de recherche du CHUL, et, bien sûr, à son équipe que la jeune femme progresse de façon significative. Il a fallu au scientifique plus de 10 ans pour atteindre ce résultat encourageant.

La Presse et Radio-Canada soulignent cet exploit de Cyril Schneider, basé sur son savoir et sa ténacité, en lui conférant le titre de Personnalité de la semaine.

Unique au monde

Voilà comment se présentait la jeune patiente au mois de mai 2007, la première fois que le Dr Schneider l'a rencontrée. Il faut préciser qu'après cinq minutes, elle ne se souvenait plus qui il était. Voire de ce qu'elle faisait là. «Traumatisme crânien sévère, amnésie totale antérograde (impossibilité de mémoriser des faits nouveaux), perte d'autonomie, agnosie visuelle. Elle ne pouvait différencier un chien d'un chat. Il lui fallait de plus réapprendre à écrire.» Voilà un portrait clinique désespérant. «Elle a subi l'écrasement de tissus de son cerveau, ce qui a fait mourir des cellules.»

Aujourd'hui, elle peut reconnaître les membres de l'équipe de chercheurs qui la chouchoutent, il va sans dire. Elle a déjà abandonné sa canne: «Ça fait énormément plaisir», dit le chercheur. Elle a retrouvé quelques éclairs de souvenirs. «Elle fait des gains, petit à petit.»

Qu'est-ce qui nourrit la motivation de l'équipe? «C'est de voir une amélioration chez une personne qui souffre car elle a conscience qu'elle ne sait pas. Ne sait plus.» Il témoigne de ce travail d'équipe indispensable, de la belle énergie positive dont Éliane Parent fait preuve.

La technique qui réussit de tels miracles est la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) répétitive, qui permet la régulation de l'activité cérébrale. Réactiver le cerveau droit par une logique scientifique, dans le cas d'Éliane Parent. Indolores et non abrasives, les séances sont de 10 minutes, une fois par semaine.

C'est une première mondiale. Pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt? «C'est la méconnaissance des neurosciences, dans le monde médical en particulier.»

Aider ses semblables

«Dans un cas de paralysie cérébrale, par exemple, imaginez notre joie quand le pied bouge à nouveau!» Car la régulation de l'activité cérébrale par stimulation du cerveau avec le TMS - un appareil conçu en Angleterre -, outre la paralysie cérébrale et l'amnésie, peut aussi être utile dans les cas de prématurité (en protocole exploratoire), d'AVC, d'aphasie, de problèmes de mémoire, de dépression, d'hallucinations auditives, etc.

«Est-ce qu'on peut aider?» Toujours cette préoccupation de venir en aide, d'agir pour soulager la détresse des autres.

Le neuroscientifique, qui vient tout juste d'avoir 40 ans, a passé sa jeunesse entre la France et l'Allemagne. Après des études européennes en psychologie, en mathématiques, en biomécanique et en neuropsychologie, il devient spécialiste du mouvement, entre autres. Il y a 13 ans, il prend la route du Québec et occupe rapidement un poste de professeur, accordé par son haut degré de compétence, au Centre de recherche en neurosciences. Il a choisi la ville de Québec en raison de ses occasions de travail, mais également pour sa qualité de vie. Il a aujourd'hui trois enfants.

Son père lui a inculqué l'amour de l'activité physique à un haut niveau. Le scientifique est un marathonien. Avec sa surcharge de travail, il ne peut pas s'adonner à son sport au maximum. Il s'est rendu compte l'automne dernier qu'il n'était pas au sommet de sa forme physique. «On peut recevoir deux patients par jour à raison d'un minimum de deux heures.» Ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour autre chose.

La rigueur scientifique, c'est d'abord un protocole strict. C'est à cette condition que le milieu scientifique peut accepter d'entendre en conférence un si jeune homme. «La crédibilité. J'arrive, je crois, avec une trop grande jeunesse par rapport aux illustres savants pour imposer le respect absolu.»

À preuve: en matière de subventions, le gouvernement fédéral a refusé le projet de recherche parce qu'il n'y croyait pas. L'Université collabore, certes, mais peut-on croire que Cyril Schneider a dû investir son propre argent pour poursuivre sa recherche?

Il est jeune, heureusement, c'est une promesse. Car il pourra mener à terme les dizaines de projets de recherche qui l'habitent. Afin d'aider ceux qui souffrent.

La motivation, c'est de voir une amélioration chez une personne qui souffre car elle a conscience qu'elle ne sait pas. Ne sait plus.