C'est une sorte de Dracula à l'envers. Plus d'un millier de fois, depuis 1966, il tend les veines de son bras à une infirmière d'Héma-Québec. Et reprend après le cours de ses activités comme si de rien n'était!

Mille dons de sang! Un record canadien. Pour Michel Thérien, donner du sang est un rituel profondément ancré dans sa vie. Depuis 1980, il fait don de précieux plasma. Une habitude hebdomadaire, partie intégrante de sa routine. Cette performance inusitée est digne de mention. Héma-Québec lui a rendu hommage la semaine dernière. La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

 

Un peu de lui

L'ingénieur minier Michel Thérien est attaché au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs au gouvernement québécois depuis 1989. C'est au centre des donneurs de sang Globule Laurier Québec qu'il fait son précieux don, semaine après semaine, avec une fidélité exemplaire. Il offre ainsi aux autres une part de sa bonne santé. C'est du reste ce qui motive son action. «La première fois, en 1966, je le faisais pour les accidentés de la route, qui étaient nombreux à l'époque. Il s'agissait la plupart du temps de transfusions urgentes. J'en donnais parfois deux fois par semaine. Aujourd'hui, je suis surtout touché par les enfants malades. Je n'accepte pas qu'un enfant meure de leucémie!» Le petit Jérémy Plourde, qui était présent lors de la cérémonie de remise de médaille, a besoin pour rester en santé d'un certain élément du plasma sanguin: il a reçu jusqu'ici pas moins de 90 transfusions. Le plasma est aussi indispensable dans le traitement des grands brûlés.

Afin de répondre aux besoins, au Québec, il faut à la banque de sang au moins un millier de dons par jour. «Tout le monde peut le faire de temps à autre, dit Michel Thérien. Mais tout le monde n'est pas obligé de m'imiter!» ajoute-t-il.

Il connaît la valeur du sang des donneurs lorsque vient le temps d'être transfusé. Ce cadeau de vie a servi à sa mère à l'occasion d'une intervention cardiaque. Le généreux donneur, qui sait se mettre dans la peau des autres, comprend l'émotion qui habite tous les parents d'enfants malades.

Une mission

Il rappelle que»80% des gens auront besoin d'une transfusion de sang au moins une fois dans leur vie». Cette réalité le touche. Michel Thérien, par tempérament, ne cherche pas la gloire liée à son geste. Réservé, pudique d'une certaine manière, son action, qui lui semble naturelle, ne sert pas à pavoiser. Cependant, admet-il, s'il faut témoigner pour donner l'exemple, il l'accepte de bon coeur. «Chacun a ses priorités, notamment les familles de deux ou trois enfants. Tout va de plus en plus vite. Le don de sang peut gruger du temps rare - non pas le don lui-même, mais tout ce qui l'entoure: les déplacements, les questionnaires à remplir, les préparatifs, etc. Je donne l'exemple, les autres l'intègrent à leur façon.» Il ne tente jamais de faire pression, pas même auprès des gens qui l'entourent. «J'ai aussi le sentiment que j'en donne pour ceux qui ne le font pas.» Il se sent une responsabilité sociale. Son sang qui circule dans d'autres veines est comme le fil tendu de la solidarité humaine dont il fait preuve.

Cette empathie ne date pas d'hier. Déjà, enfant, il se souciait de la qualité de vie des autres, traduite en recyclage avant l'heure. L'environnement, la pollution, l'état général de la Terre ont été à l'origine de plusieurs de ses actions. «J'ai toujours été curieux de tout ce qui bouge», ce qui explique sans doute son esprit scientifique. Il est né et a vécu dans le Vieux-Québec. À 12 ans, il réfléchissait à la façon de recycler, d'éviter le gaspillage. Une force active irrésistible qui ne lui venait pas nécessairement de l'exemple de ses parents. Sa mère a cependant eu une influence marquante sur la nécessité d'étudier le plus longtemps possible.

Il a enseigné cinq ans à l'Université Laval, ce qui lui a permis d'exploiter son autre don: celui de la pédagogie. Malgré sa réticence à se mettre en valeur par son exploit de donneur de sang, c'est ce don du partage qu'il cherche à communiquer en toute modestie. Sur le plan physique, il bénéficie d'une bonne cicatrisation. Les veines fragilisées durcissent à force de piqûres, la peau peut rétrécir et former de petits cratères. «Je porte toujours des chemises à manches longues», dit-il.

Héma-Québec est comme sa deuxième famille. «Les personnes qui y travaillent sont gentilles, ça devient effectivement pour moi un lieu de socialisation.» Mais il précise que son geste n'a rien de religieux. «Il s'agit d'abord de valeurs humaines profondes. La solidarité, répète-t-il. La compassion.»

L'avenir? Après le 1001e don, remettre le compteur à zéro et recommencer.