Dix ans après son premier séjour dans l'espace, Julie Payette en a fait un second. Elle l'espérait, un peu comme ceux qui ont fait un beau voyage quelque part sur la Terre un jour et rêvent d'y retourner.

En 1999, quand Julie Payette a pris part à la mission de la navette spatiale Discovery, elle est devenue la première Canadienne à participer à la construction de la Station spatiale internationale et à monter à bord du laboratoire orbital.

 

Cette année, du 15 au 31 juillet, c'est en tant qu'ingénieure de vol, dans l'équipage de la navette Endeavour à destination de la Station spatiale internationale, que Julie Payette a contribué au succès de la mission, qui visait notamment à terminer l'installation de la plateforme extérieure du laboratoire japonais Kibo. Pour les avides de statistiques, l'astronaute canadienne compte désormais 611 heures de vol dans l'espace !

La Presse et Radio-Canada soulignent la longue et formidable ascension d'une carrière hors du commun en nommant Julie Payette Personnalité de la semaine.

Le temps qui passe

C'était au mois de juin 1992. Cette jeune femme de 29 ans, choisie par l'Agence spatiale canadienne parmi 5330 candidats, arrivait cheveux au vent, silhouette d'athlète, à l'une de ses toutes premières entrevues. Depuis ce jour, elle est le chouchou des médias. Car en dépit du temps qui passe et des exploits qui jalonnent son univers, elle est restée volubile et généreuse.

Avec les années, la jeune femme gracile a su se bâtir une carapace, atteindre un haut seuil de tolérance. «Oui comme tout le monde, j'ai grandi en âge, j'ai plus d'expérience. Le milieu dans lequel j'évolue n'a plus de secrets pour moi. C'est un milieu de haute performance, où on pardonne peu d'erreurs.»

Doit-on rappeler quelques-unes des raisons qui ont justifié sa sélection par l'Agence spatiale ? La jeune ingénieure spécialisée en génie électrique et en génie informatique s'est fait valoir à tous les stades de sa formation universitaire. De nombreuses bourses et distinctions témoignent de ses talents.

Viennent ensuite les étapes qui vont la mener à une mission spatiale. Brevet de pilote professionnelle; étude du russe, langue qui s'ajoute à toutes celles qu'elle connaît déjà; brevet de plongée; de nombreuses heures de vol en pesanteur réduite; pilote militaire; qualification militaire de vol aux instruments; etc.

Elle n'avait pas sitôt mis pied à terre, en juillet dernier, que la mission a pris son allure du retour parmi les Terriens : nombreuses séances de travail, «débriefings», sélections de photos parmi les 8000 prises à bord de la navette, tournées après vol, etc.

Rêve et réalité

Julie Payette, qui aura 46 ans le 20 octobre prochain, est aussi maman de deux enfants de 15 et 6 ans, avec les préoccupations qui s'y rattachent. La famille vit depuis 13 ans au Texas, où la culture francophone se fait rare. « On parle français à la maison «, assure-t-elle. Son mari, pilote d'essai d'avions militaires, est anglophone mais francophile. Bilinguisme, biculturalisme ne sont pas de vains mots dans l'esprit de l'astronaute. Elle compte favoriser cette richesse chez ses enfants, en même temps que l'acquisition de solides racines francophones. Leurs gardiennes viennent de France ou du Québec.

«On a beau voyager dans l'espace, on a des préoccupations bien humaines, souligne celle qui est pianiste et chanteuse. Le jour où des humains s'installeront en orbite et en colonie, ils traîneront avec eux leur humanité.»

Les longues journées passées dans la navette, lors de sa récente mission, ont exigé une d'attention très soutenue. «À la limite de ce qu'il est humainement possible de supporter, dit-elle. Mais on avait une zone de récupération protégée: notre sommeil de huit heures par jour. «Des rêves ?» Je dormais trop profondément pour m'en souvenir.»

Enthousiaste et passionnée du monde, de notre monde, Julie Payette souhaite participer éventuellement à une mission de longue durée. «D'autant plus que la Station spatiale est presque terminée !»

Elle pourrait continuer ainsi à être le témoin des progrès que les humains réalisent pour leur environnement : «Depuis mon vol d'il y a 10 ans, les efforts pour replanter des arbres en Colombie-Britannique sont visibles de l'espace !» Elle rappelle que notre planète «est bien plus vieille que nous», que ses qualités de régénération sont énormes compte tenu de tout ce qu'elle a traversé comme épreuves.

Si l'astronaute n'a pas vu la muraille de Chine, elle a par ailleurs contemplé les pyramides, qui se détachent bien sur le fond monochrome du désert.

«Je suis consciente que je suis très privilégiée, dit-elle. Même si on doit travailler fort, c'est un petit prix à payer pour avoir la chance d'aller dans l'espace.»