Montréal met sur la glace deux appels d'offres remportés par des firmes de génie qui ont reconnu devant la commission Charbonneau avoir pris part à la collusion. Cette décision survient dans le contexte où les ingénieurs se livrent une véritable guerre de prix dans la métropole, s'arrachant les rares projets lancés par la Ville pour la moitié du prix.

Les résultats de trois appels d'offres pour des services de génie ont été présentés au comité exécutif, hier. L'attribution de deux des trois projets a toutefois été reportée d'une semaine pour permettre des «vérifications sur le plan juridique», a expliqué Laurent Blanchard, président du comité.

Ces deux appels d'offres ont été remportés par Dessau et Génivar, deux firmes dont d'anciens hauts dirigeants ont admis devant la commission Charbonneau avoir pris part à la collusion. Rosaire Sauriol et François Perreault ont reconnu avoir versé des centaines de milliers de dollars au parti Union Montréal, entre 2004 et 2005, pour s'assurer une part des contrats de la métropole.

La Ville de Montréal n'a pas voulu commenter officiellement le dossier, puisqu'il est entre les mains des avocats. Une source a toutefois expliqué qu'«on se trouve dans une situation similaire aux nids-de-poule, on veut s'assurer que le contrat est béton avant d'aller de l'avant».

Rappelons que le maire Michael Applebaum avait décidé de lancer un sondage non scientifique auprès des Montréalais pour savoir si la Ville devait acheter de l'asphalte à des entreprises condamnées pour fraude fiscale et nommées devant la commission Charbonneau pour leur participation à la collusion. Le contrat a finalement été attribué pour permettre le colmatage urgent des nids-de-poule, même si les citoyens ont rejeté l'idée.

Le seul des trois contrats attribués hier l'a été à CIMA+. Plusieurs témoins ont affirmé devant les commissaires Charbonneau et Lachance que la firme a pris part au stratagème de collusion, mais aucun dirigeant n'a été appelé à témoigner.

Contrat à moitié prix

Fait important à souligner, les trois appels d'offres ont donné lieu à une féroce guerre de prix. La somme demandée pour l'un d'eux représente la moitié de l'évaluation municipale. «Le niveau de compétitivité dans le marché nous amène des prix beaucoup moins élevés», ont écrit les fonctionnaires dans le document soumis aux élus pour leur expliquer les bas prix offerts.

Dans un autre document, les fonctionnaires écrivent que «le carnet de commandes des firmes qui ont soumissionné n'était pas rempli pour l'été» et qu'il y a actuellement «peu d'appels d'offres sur le marché».

Plusieurs témoins ont observé devant la commission Charbonneau une forte baisse des prix dans le secteur du génie-conseil. «Il y a une guerre de prix entre les firmes, ça, c'est sûr», a déclaré François Perreault, ex-vice-président de Génivar, dans le cadre de son témoignage. Il avait chiffré à 30% la baisse des prix demandés par les firmes pour leurs services.

Alors que le système de collusion avait permis de maintenir les prix élevés pour les services d'ingénierie, les révélations de l'enquête publique exercent une pression à la baisse. Or, les évaluations municipales sont faites grâce à un logiciel, Gespro, qui tient encore compte des prix payés au moment où le système de partage des contrats était en place.