La société qui exploite le pont à péage de l'autoroute 25, entre Laval et Montréal, Concession A25, va mettre en place «une foule de mesures» afin de convaincre ses clients occasionnels d'adopter les modes de paiement électronique et d'éviter des frais administratifs élevés, qui sont présentement contestés devant les tribunaux.

> En graphique: fréquentation du pont de l'A25

Dans une entrevue à La Presse, la semaine dernière, le président de Concession A25, M. Daniel Toutant, a reconnu que le système de péage électronique du pont de l'A25, mis en service le 21 mai 2011, demeure toujours un mystère, pour une partie de sa clientèle, après un an d'exploitation.

Plusieurs automobilistes, dit-il, enregistrent de nombreux passages sur le pont, pour lesquels ils doivent payer chaque fois des frais administratifs de 5$, parce que leur véhicule n'est pas muni d'un transpondeur.

Ce sont ces clients, en particulier, qu'on tentera de convaincre des avantages de ce petit dispositif électronique qui tient sur une vignette, collée au pare-brise, et qui permet de payer automatiquement le tarif applicable, au moment où l'usager traverse le pont de l'A25, à partir d'un compte personnel, alimenté par carte de crédit.

Sur le plan local et régional, les efforts de conviction déployés par Concession A25, ont porté fruit. Dès l'ouverture du pont, 50% des usagers étaient «abonnés» au système de péage électronique. Un résultat qu'on croyait atteindre seulement après un an d'opération.

Aujourd'hui, 85% des véhicules qui traversent le pont sont munis du transpondeur, qui est la clé de tout le système. Un résultat dont M. Toutant est «particulièrement fier».

«On dit aux gens: si vous êtes passés cinq ou dix fois sur le pont, venez nous voir. On va vous inscrire au système, on va vous donner un transpondeur, et on va vous créditer un montant équivalent à ce que vous avez payé en frais administratifs. Si vous êtes passés cinq fois sur le pont, ça va vous donner 25$ en crédits de péage», explique M. Toutant.

«C'est la première année, ajoute-t-il. Les péages, au Québec, ça fait longtemps qu'on n'a pas vu ça. Et le péage électronique, c'est nouveau. Cela nous amène à faire encore plus d'efforts pour que les gens qui n'ont pas encore apprivoisé le système comprennent mieux la mécanique, et les avantages qu'ils auraient à l'utiliser.»

Controverse

Le succès commercial du pont à péage de l'A25, qui enregistre une moyenne de plus de 38 000 passages de véhicules par jour, en semaine, depuis le début du mois de mai, a été terni par la vive controverse entourant ces frais administratifs de 5$, qui sont imposés aux automobilistes qui empruntent le pont sans un transpondeur fourni par Concession A25.

Une demande d'autorisation pour un recours collectif sera entendue, cet automne, à la Cour supérieure du Québec, au nom de tous les usagers qui ont empunté le pont à péage, et qui ont appris l'existence de ces frais administratifs seulement en prenant connaissance de leur facture postale.

Dans l'immense majorité des cas, le coût du péage est de 1,80$ ou de 2,40$, mais la facture à payer, elle, s'élève à 6,80$ ou 7,40$.

La tempête s'est calmée depuis quelques mois, dit M. Toutant. Les circonstances ont aussi voulu que cette facturation postale soit paralysée par... une grève des Postes. Lorsque le courrier a repris, de nombreux usagers qui avaient déjà traversé le pont plusieurs fois, et qui dans quelques cas ne savaient même qu'ils traversaient une zone de péage, ont été pris au dépourvu devant les montants à payer.

L'impossibilité de joindre le service à la clientèle de Concession A25, par téléphone et par courriel, pour obtenir plus d'informations sur ces factures, ou sur la meilleure façon de les éviter, a aussi ajouté à la frustration de milliers d'automobilistes qui ont bien promis de ne plus s'y faire prendre.

Les questions relatives à l'affichage routier des tarifs et des frais ne sont pas encore réglées, non plus, avec l'Office de protection du consommateur (OPC), un organisme public qui n'est pas partie prenante du recours collectif de l'Union des consommateurs. Quelques semaines seulement après l'ouverture du pont, l'OPC a eu des discussions avec Concession A25 et le ministère des Transports (MTQ), qui est responsable de la signalisation routière.

En vertu de la Loi sur la protection du consommateur, une entreprise commerciale doit afficher ses prix, incluant tous les frais des biens ou des services qu'elle vend, sauf les taxes de vente.   L'OPC n'est pas satisfaite de la signalisation actuelle des tarifs et des frais, aux approches du pont  de l'A25.

Un système imposé par Québec

Ces frais administratifs de 5$ par passage sont prévus dans l'entente de partenariat signée entre Québec et Concession A25 en 2007, et étaient donc autorisés avant même que le pont soit construit. Ils servent à couvrir les coûts de facturation à la pièce qui commande la prise d'une photo du véhicule, l'identification de son propriétaire à partir des fichiers de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) et l'envoi d'une facture postale.

Concession A25 doit émettre entre 5000 et 6000 de ces factures, chaque jour.

Plusieurs usagers frustrés par ces frais, qui ont communiqué avec La Presse - et avec beaucoup d'autres médias - au cours des derniers mois ont suggéré qu'une guérite de péage soit installée aux entrées du pont, afin de permettre aux non-abonnés de payer leur passage comptant, ou par carte bancaire.

En Europe et aux États-Unis, de nombreux ponts et autoroutes à péage utilisent font appel à un système dit «hybride», qui permet aux détenteurs de transpondeur d'emprunter des lignes plus rapides, tandis que les usagers occasionnels doivent passer par une guérite, où le passage est forcément plus lent. Le futur pont à péage de l'autoroute 30, qui débutera ses opérations en décembre prochain, fonctionnera avec un système semblable.

L'installation d'une telle guérite sur le pont de l'A25 serait physiquement impossible, affirme M. Toutant. Tous les ponts qui utilisent les systèmes hybrides doivent être élargis, à l'endroit où la lecture électronique ou le péage manuel s'effectue, parce qu'il faut multiplier le nombre des voies de circulation, pour ne pas créer des engorgements.

À titre d'exemple, le futur pont de l'autorooute 30, entre Salaberry-de-Valleyfield et Vaudreuil-Dorion, comptera six voies de circulation (trois par direction). À l'endroit où les guérites seront construites, il s'élargira jusqu'à 14 voies, afin d'assurer la fluidité du trafic, en amont des guérites.

M. Toutant estime de plus que ce type de péage ralentirait la circulation et pourrait affecter la fluidité du pont de l'A25, qui est avant tout «un pont pendulaire» emprunté soir et matin par une clientèle d'heures de pointe. Près de la moitié des passages des véhicules, sur ce pont de l'A25, sont enregistrés entre 6h et 9h du matin, et entre 15h30 et 18h30, en fin de journée.

Selon le président de Concession A25, «il y a toujours un équilibre à atteindre entre la fluidité du trafic et la perception. Le ministère des Transports du Québec a opté pour un système où tu n'es pas obligé d'arrêter à une barrière, le temps qu'elle se lève,  même si tu as un transpondeur, afin de favoriser un maximum de fluidité. Je suis convaincu que c'était la meilleure décision».