Le maire Gérald Tremblay a qualifié de «graves» les accusations auxquelles feront face son ancien bras droit, Frank Zampino, un ancien responsable du financement de son parti, Bernard Trépanier, et l'entrepreneur Paolo Catania, arrêtés ce matin. Les deux partis de l'opposition à l'hôtel de ville se sont quant à eux réjouis de la frappe de l'escouade Marteau.

> En graphique: le parcours de l'influence

Chronologie de l'affaire Catania-Zampino

«Je prends acte des arrestations de ce matin, qui sont graves. J'espère que toute la lumière sera faite le plus rapidement possible», a dit le maire Gérald Tremblay. Il a ajouté que les accusations qui pèseront sur eux sont «graves».

Il a aussi tenté de se distancier de ces arrestations, réalisées à la suite d'une longue enquête sur des transactions immobilières du Faubourg Contrecoeur: «Les événements en cause datent de plusieurs années, mon administration a mis en place une foule de mesures pour contrer la collusion, la corruption et les conflits d'intérêts. Maintenant, il faut laisser le processus judiciaire suivre son cours.»

Pressé de questions par l'opposition, le maire a par ailleurs affirmé qu'il avait «répondu souvent aux questions des autorités» dans le cadre de leurs enquêtes. Il a également assuré qu'il se rendrait disponible s'il est convoqué par la commission Charbonneau sur la collusion dans le milieu de la construction.

Le maire a réagi aux arrestations en ouverture d'une séance extraordinaire du conseil municipal. Plusieurs ont souligné l'absence du conseiller Sammy Forcillo, dont le nom a fréquemment été évoqué en lien avec le scandale des transactions immobilières du Faubourg Contrecoeur. Les arrestations de ce matin touchent des acteurs clés de cette affaire.

Les frais juridiques que devra engager Frank Zampino, qui a été président du comité exécutif de l'administration Tremblay jusqu'en 2008, pourraient être couverts par la Ville. Le contentieux doit prendre une décision à ce sujet. Le maire a précisé que, si la personne est reconnue coupable, elle doit rembourser ces frais à la Ville.

L'opposition satisfaite



«Les arrestations de ce matin sont une excellente nouvelle en matière de lutte contre la corruption à Montréal et au Québec. On a là le parfait exemple du trio "faiseur de campagne-élu-entrepreneur". Trio malsain, procédé malsain», a dit le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron.

«Ça fait cinq ans qu'on attend ça, s'est réjouie Anie Samson, chef de l'opposition officielle. Justice est en train d'être rendue. Ce n'est que le début.» 

Vision Montréal estime que les arrestations éclaboussent tout le parti du maire, Union Montréal. «Ça fait quatre ans qu'on pose des questions et que le maire nous dit qu'on ne fait que critiquer, mais ce matin, l'UPAC et Marteau nous ont entendus. Et le maire, comme chef d'Union Montréal, a aussi des responsabilités. Il peut jouer à l'autruche, dire qu'il n'était pas au courant, mais c'est lui qui a choisi ses collaborateurs et qui est dans le bateau avec eux», a indiqué Mme Samson.

Origine de la plainte sur le Faubourg Contrecoeur



L'actuel directeur général de la Ville, Guy Hébert, confirme être l'auteur de la plainte qui a lancé l'enquête policière sur le Faubourg Contrecoeur. En décembre 2008, c'est lui qui avait succédé à Martial Filion à la tête de la SHDM. Martial Fillion avait été congédié pour sa gestion du dossier.

Guy Hébert dit avoir rencontré les policiers en avril 2009, après avoir découvert la disparition - ou la destruction - de plusieurs documents sur les transactions immobilières.

Le gouvernement a «fermé les yeux», accuse le PQ



«À la base du scandale qui a vu certains de ses acteurs se faire arrêter ce matin se trouve la décision de privatiser la SHDM et de la sortir du périmètre de la Ville de Montréal. Les acteurs de ce scandale ont pu agir loin du regard du vérificateur général de la Ville», a tonné le critique du PQ en matière d'affaires municipales, Stéphane Bergeron.

Le gouvernement Charest était au courant depuis 2007, mais il a «fermé les yeux», accuse-t-il.

L'ancienne ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, avait déclaré «s'en être fait passer une petite vite par la Ville de Montréal», dit-il. «Pourtant, elle n'a rien fait avant que le dossier soit révélé au grand jour.»

Le PQ soutient que, si le gouvernement a accepté de se départir de la SHDM, c'est à cause de conflits d'intérêt. Martial Filion, qui dirigeait la SHDM, a été attaché politique du premier ministre Charest. Et Paolo Catania, qui a bénéficié des transactions, est un financier «pur et dur» du PLQ.

Le successeur de Nathalie Normandeau, Laurent Lessard, a rappelé que, à la suite du rapport de son vérificateur général, Montréal avait dû reprendre la SHDM sous sa houlette.

Selon le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, ces arrestations prouvent qu'il fallait donner le temps à l'UPAC de faire son travail. «Il y aura sans doute d'autres actions de l'UPAC. Ces 200 personnes, tous les matins, travaillent en toute indépendance pour lutter contre la corruption et la collusion, et elles font un bon travail», a-t-il dit.

Craint-il une interférence avec la commission Charbonneau? «Il faut que les enquêtes et les preuves soient préservées pour qu'on puisse condamner les gens», a-t-il répondu.

- Avec Paul Journet