La Ville de Montréal obligera les arrondissements à sabrer un total de 40 millions dans leurs investissements parce qu'elle veut réduire le service de sa dette et tenir compte de la suspension des appels d'offres pour les gros contrats, a appris La Presse. À neuf jours de Noël, c'est la consternation dans les arrondissements. Louise Harel juge la mesure «extrême».

Selon le trésorier de la Ville, Robert Lamontagne, la décision a été prise le 9 décembre par le comité exécutif. Lundi, M. Lamontagne a envoyé aux directeurs d'arrondissement une note dans laquelle il écrit que cette décision a été prise «à la lumière de la croissance anticipée des dépenses et des différentes stratégies de financement».

Il dit que l'effort demandé correspond à la volonté de l'administration de refléter «l'impact de la suspension des appels d'offres et des octrois de contrats». Plus loin, M. Lamontagne ajoute que le souci de la Ville est de «réduire le service de la dette».

Les arrondissements doivent donc «réduire» de 40% les dépenses qu'ils prévoyaient pour 2010, 2011 et 2012. Par exemple, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve prévoyait investir, selon le budget adopté en septembre, 8,3 millions en 2010, 7,5 millions en 2011 et 7,9 millions en 2012. Le total versé par la ville centre devait donc être de 23,7 millions en trois ans, ce qui donne une moyenne de 7,9 millions par an. La réduction de 40% ramène ce chiffre à 3 160 000 $. Pour les 19 arrondissements, on arrive à une somme d'environ 40,5 millions.

La chef de l'opposition officielle, Louise Harel, proteste contre ce «cadeau de Noël» dont elle se serait bien passée. «Cela se fait sans qu'on connaisse la situation financière de la Ville, a-t-elle dit à La Presse, hier. Ce n'est pas transparent. La situation financière est-elle si accablante qu'on prenne de telles mesures extrêmes? Nous, dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, s'il y a plus de tempêtes de neige que prévu, on est foutu. En plus, si les surplus sont réquisitionnés, les arrondissements ne seront plus tentés d'en conserver.»

La ville centre a en effet demandé aux arrondissements que l'effort ne soit pas retiré des investissements planifiés pour 2010, mais qu'ils réduisent la somme requise «des reports constatés au moment du dépôt de l'état financier», soit ce qu'il restera des sommes prévues pour les investissements de cette année et des années précédentes.

Anie Samson, mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc Extension et leader de l'opposition officielle, est aussi mécontente. «Nous, avec 2,73 millions en moins, on ne pourra pas réparer notre piscine ni poursuivre le programme de création d'une maison de la culture, à moins d'imposer une taxe, dit-elle. Pour les arrondissements qui ont un retard important dans la réparation des immeubles municipaux, cette mesure va contribuer à agrandir l'écart avec la banlieue.»

Hier, des élus n'étaient même pas encore au courant de cette ponction surprise. «On va s'asseoir demain (aujourd'hui) avec les élus pour leur expliquer la situation, dit Serge Fortin, porte-parole de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, où la ponction représente 3,2 millions. C'est alors que les choix vont se prendre. On devra éponger les 3,2 millions avec nos reports, mais on ne sait pas encore combien ils représentent. Ça risque d'influencer des investissements, mais à quel point, je ne sais pas.»

Dans le Sud-Ouest, on prend très mal la chose. «C'est un choc pour nous, surtout à la veille du dépôt du budget de la Ville de Montréal, dit Marie Otis, directrice de cabinet du maire Benoît Dorais. Surtout que notre budget est très minime. Notre programme de réfection de rues est déjà minuscule compte tenu de nos besoins, nos investissements pour les véhicules et les parcs aussi. Avec 5 millions par année, c'était déjà un tour de force, alors supprimer 2,16 millions, cela remet tout en question. On ne pourra pas améliorer grand-chose.»

La décision du comité exécutif est-elle une façon déguisée de mettre les arrondissements au régime afin d'éviter que la ville centre ait l'odieux d'imposer une trop forte augmentation de taxes en 2010? La Presse a posé la question au maire de l'arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, responsable des finances au comité exécutif, hier. Il s'est borné à dire que la ville centre «va demander un effort à tout le monde». «Cela aura des bénéfices et permettra de réduire le fardeau des Montréalais et des Montréalaises», a-t-il ajouté.

Rappelons que le scénario le plus probable envisagé en octobre dernier était d'augmenter les taxes de 6% en 2010. Le fait de réduire les budgets des arrondissements pourrait les forcer à adopter une taxe locale. Actuellement, sept arrondissements ont prévu des taxes locales en 2010 : Anjou, Lachine, LaSalle, Montréal-Nord, Pierrefonds-Roxboro, Saint-Léonard et Verdun.

Dans sa note, M. Lamontagne mentionne que le comité exécutif a aussi approuvé la semaine dernière la «création d'une réserve au budget 2010, à hauteur de 12 millions, destinée aux arrondissements». Cette réserve est censée être redistribuée au cours de l'an prochain, une fois que les «conclusions de l'étude des dotations d'arrondissement par la Commission du conseil municipal sur les finances, les services administratifs et le capital humain» auront été connues. Ces ajouts ne compenseront toutefois pas le nouvel effort réclamé par la ville centre.