Fort de son code d'éthique, qui sera vraisemblablement approuvé ce soir au dernier conseil municipal avant les élections, le maire Gérald Tremblay entend annoncer cette semaine l'ouverture de la ligne d'éthique. Il fera cependant face à une levée de boucliers des cols blancs et des professionnels de la Ville de Montréal, qui ne digèrent pas d'être mis devant des faits accomplis, sans réelles garanties quant à la protection de l'anonymat des délateurs-fonctionnaires, a appris La Presse.

Malgré des demandes répétées des dirigeants syndicaux, et même une rencontre avec le directeur général de la Ville, Claude Léger, au printemps dernier, l'administration municipale a décidé de mettre en place la ligne sans en discuter autour d'une table «multipartite», comme cela avait été réclamé en janvier dernier.

 

La ligne sera gérée par une firme indépendante, dont le nom sera dévoilé cette semaine, sous l'égide du vérificateur général, Jacques Bergeron.

Selon les informations obtenues, la fameuse ligne est déjà en place, rodée et prête à recevoir les appels et les courriels des employés municipaux. Au cours des dernières semaines, la sécurité et la confidentialité du système ont été maintes fois testées, a confirmé le porte-parole de la Ville, Gonzalo Nunez.

La haute direction des relations professionnelles prévoit par ailleurs rencontrer les leaders syndicaux demain, en fin d'après-midi, a-t-on appris. Après les avoir mis au parfum du fonctionnement détaillé de la ligne, la Ville convoquera les médias pour annoncer sa mise en service début octobre.

Quant à la confidentialité du système, le maire Gérald Tremblay a déjà déclaré que «s'il était responsable de cette ligne téléphonique, il n'accepterait pas les appels anonymes». À Toronto, les dénonciateurs qui ont recours à la ligne «Fraud and waste hotline» ne sont pas tenus de s'identifier.

Diversion?

Jointe par La Presse, la présidente du syndicat des cols blancs, Monique Côté, a souligné que ses membres ont l'impression de se faire jouer dans le dos. Selon elle, les 10 000 employés qu'elle représente sont tenus à l'écart de la mise en place de la ligne d'éthique depuis l'annonce de sa création, au printemps dernier. À la lumière des derniers scandales à la Ville, la ligne devrait relever de la Sûreté du Québec, estime en outre la syndicaliste.

«On a l'impression que l'administration Tremblay veut détourner l'attention vers les fonctionnaires pour protéger les élus et les cadres supérieurs, qui sont davantage visés par les enquêtes de fraude ou de corruption, déplore Mme Côté. Les fonctionnaires, qui sont des exécutants, dois-je le rappeler, sont déjà amplement soumis à des règles et passibles de sanctions qui peuvent aller jusqu'au congédiement. Pensez-vous vraiment qu'ils sont à l'origine des fraudes de plusieurs millions?»

Les craintes du syndicat des cols blancs sont partagées par le Syndicat des professionnels municipaux, qui parle pour sa part de «manoeuvres de diversion» dans son dernier bulletin d'information distribué à ses 1500 membres.

Au début de l'été, la présidente du syndicat, Gisèle Jolin, a demandé une rencontre avec le nouveau vérificateur général, Jacques Bergeron, pour discuter de l'implantation de la ligne. Ce dernier avait reçu du maire Tremblay le mandat d'étudier les modalités d'implantation requises. Le vérificateur général, qui doit dévoiler ce soir, au conseil municipal, son rapport d'enquête sur le contrat des compteurs d'eau, n'aurait toujours pas donné suite à la rencontre.

Les syndicats ne sont pas les seuls à émettre des craintes. Lors du dépôt de son rapport annuel, au mois de mai, l'ombudsman de la Ville de Montréal, Johanne Savard, prévenait qu'il faudrait faire «très attention de ne pas faire la promotion d'une culture de suspicion ou de délation parce que ça nuit beaucoup à la qualité du milieu de travail».