Le rapport du vérificateur de Montréal sur le contrat des compteurs d'eau, qui sera présenté à l'hôtel de ville ce soir, dira si le maire Gérald Tremblay a eu raison de faire l'apologie de ce contrat, il y a cinq mois jour pour jour.

Le 21 avril, le maire avait organisé une séance extraordinaire du conseil municipal pour prouver que le contrat de 360 millions, accordé au consortium GÉNIeau, avait été accordé dans les normes, à un coût normal.

 

«Aujourd'hui, on a eu l'occasion de démontrer hors de tout doute que c'est un bon projet pour Montréal, que c'est un coût qui est très compétitif à comparer avec Toronto et Ottawa, et finalement, que c'est un processus transparent, qui respecte les règles de l'art», avait déclaré le maire à l'issue de la rencontre.

La pilule sera dure à avaler si le vérificateur Jacques Bergeron montre au contraire que le coût est trop élevé et que le contrat n'a pas été attribué dans les règles. La Sûreté du Québec mène sa propre enquête. La Presse a appris que des membres de la division des crimes économiques ont rencontré des témoins importants cet été.

Le contrat comporte deux volets. Le premier, pour l'installation de 23 000 compteurs et le remplacement de 11 000 autres dans les industries, les commerces et les institutions (ICI), doit coûter 106 millions de dollars. Le deuxième volet, pour la pose de 600 chambres de vannes, doit se faire à un prix de 206 millions. Le total s'élève donc à 312 millions ou à 360 millions avec les taxes.

Cela comprend les frais d'exploitation pendant 15 ans (pour les compteurs) et 25 ans (pour les chambres de vannes). Mais cela exclut les 105 millions de dollars payés par la Ville pour la préparation de la plomberie dans les ICI, ainsi que les frais de gestion par la Ville et les coûts de l'inflation. La somme totale pourrait donc atteindre 600 millions, avait reconnu le maire le 21 avril.

Le contrat a été accordé en décembre 2007 au consortium GÉNIeau, formé par la compagnie Simard-Beaudry, l'homme d'affaires Tony Accurso et la firme d'ingénieurs Dessau. Il est géré par une autre firme d'ingénieurs, BPR.

L'attribution du contrat soulève bien des questions depuis déjà un certain temps. Après son attribution, Yves Provost, le directeur général adjoint de la Ville, a été embauché par la firme BPR. Robert Abdallah, le directeur général de la Ville, a été embauché par Gastier, une entreprise appartenant à Tony Accurso et qui participe à la préparation de la plomberie dans les ICI devant recevoir des compteurs.

Frank Zampino, le président du comité exécutif, a été embauché par Dessau. Il a dû démissionner quand La Presse a révélé qu'il avait fait une croisière sur le bateau de Tony Accurso, alors qu'il était encore président du comité exécutif et que la Ville était en train de négocier l'attribution du contrat.

Le 21 avril, le maire a dit qu'à sa connaissance, aucun autre fonctionnaire, conseiller ou membre de sa formation politique n'avait été sur le bateau de M. Accurso. Mais La Presse a appris qu'un important membre de son parti, Union Montréal, très actif dans le financement du parti, est bien allé sur ce bateau, dans les Antilles, à peu près à la même période que M. Zampino (mais pas en même temps que lui), en décembre 2006 ou en janvier 2007.

M. Tremblay a demandé une enquête au vérificateur le 8 avril dernier, après que La Presse eut envoyé une série de questions écrites sur les coûts du contrat à un responsable des communications de l'hôtel de ville. Le coût d'installation des compteurs d'eau apparaît en effet beaucoup plus élevé à Montréal qu'à Toronto ou dans plusieurs villes du Québec. Le coût d'installation des chambres de vannes semble lui aussi plus élevé que dans d'autres villes, comme Ottawa.

En incluant la subvention pour la préparation de la plomberie, l'installation des compteurs d'eau a un coût global d'environ 210 millions de dollars. En 2007, le vérificateur a écrit dans son rapport annuel que la Ville de Montréal prévoyait alors que les coûts devaient être de 60 millions pour ce volet, soit trois fois moins.

«La Ville prévoit consacrer environ 60 millions de dollars et installer plus de 23 000 nouveaux compteurs d'eau sur le territoire de la Ville de Montréal et des villes reconstituées, qui s'ajouteront aux 11 000 actuellement en place, indiquait le vérificateur. La réalisation du projet ICI (compteurs d'eau dans les industries, les commerces et les institutions) contribuera à la localisation des fuites dans le réseau et à établir un plan de la consommation d'eau potable ainsi qu'une tarification suffisante et équitable.»

En 2006, la firme MasterMeter a offert de réaliser ce contrat pour 31 millions de dollars. Le rapport du vérificateur devrait normalement expliquer pourquoi les coûts ont explosé depuis l'attribution du contrat au consortium GÉNIeau. Les Montréalais seront intéressés de savoir s'ils payent trop cher et si tout s'est fait dans les normes, comme le soutenait le maire en avril dernier.