Des irrégularités découvertes à la Division du service informatique de la Ville de Montréal ont mené à une enquête interne en mai 2008. Une dizaine de firmes auraient obtenu des avantages financiers. Hier, deux hommes ont été arrêtés et accusés d'une fraude qui aurait pu atteindre 9,2 millions de dollars.

L'ex-chef de la Division du service informatique (DSI) de la Ville de Montréal, Gilles Parent, et un consultant privé, Benoît Bissonnette, ont été arrêtés hier matin par la Sûreté du Québec et accusés d'être les auteurs d'une fraude de 9,2 millions découverte l'an dernier au service de facturation de la DSI.Les deux hommes ont comparu hier après-midi au palais de justice et ont été accusés conjointement de fraude, d'abus de confiance, de complot et de fabrication de faux documents. Ces arrestations découlent du projet Épaulard de la SQ qui s'est amorcé en juillet 2008, à la suite de la dénonciation par la Ville des agissements de ces deux personnes dans l'attribution et l'administration de contrats de dizaines de millions donnés par la DSI à une dizaine de firmes informatiques.

Gilles Parent, qui approuvait l'attribution des contrats, a également été accusé de voies de fait graves. Il a été congédié après 25 années de service le 10 septembre 2008. Au début de cette année, son supérieur, le directeur adjoint Joseph Hélal, a également été congédié. Puis, un troisième congédiement s'est produit ces derniers mois. En ce qui a trait à M. Hélal et au troisième fonctionnaire congédié, il s'agit de départs liés à des fautes de gestion et non à la fraude elle-même.

Une enquête interne avait été déclenchée en mai 2008 après que des irrégularités eurent été observées à la DSI. Un fournisseur avait éveillé les soupçons de la Ville. Puis, un employé avait alerté ses supérieurs. Des firmes informatiques auraient obtenu des avantages financiers qu'elles doivent maintenant rembourser à la Ville au moyen de retenues sur des paiements.

Hier, Gilles Parent, 58 ans, et Benoît Bissonnette, 47 ans, ont été libérés après avoir versé une caution de 15 000$. Ils ont déposé leur passeport et ont été mis en liberté après avoir promis de comparaître le 11 décembre. M. Bissonnette plaidera non coupable mais l'avocat de Gilles Parent, Philip Schneider, n'a pas encore pris de décision à ce sujet.

Plusieurs millions

À la demande du procureur en chef adjoint aux poursuites criminelles et pénales, Me Sylvain Lépine, la Cour a imposé aux accusés de ne pas entrer en contact avec huit entreprises: Conseillers en informatique d'affaires C.I.A., Les solutions Victrix, Systematix Technologies de l'information, OS4 Techno, La Société conseil Lambda, Stop Oxygen, C.P.U. Design et Ressources systèmes informatiques (VRSI). Plusieurs de ces entreprises sont d'importants fournisseurs de services informatiques de la Ville.

Selon une recension faite par La Presse, Systematix a obtenu pour plus de 15 millions de contrats de 2004 à 2008. VRSI en a eu pour au moins 12 millions de 2005 à 2008. OS4 Techno, pour au moins 12,7 millions de 2005 à 2008. Lambda en a obtenu pour environ 10 millions depuis 2007. Victrix en a eu pour au moins 9 millions de 2005 à 2008. CPU Design a aussi vendu des micro-ordinateurs à la Ville pour plus de 10 millions. Aucune accusation n'a été portée contre ces entreprises qui ont collaboré aux enquêtes de la Ville et de la police.

Selon nos informations, Gilles Parent et Benoît Bissonnette sont soupçonnés d'avoir détourné 6,2 millions. La fraude aurait pu atteindre 9,2 millions, mais selon la Couronne, l'intervention de la Ville a permis de circonscrire les pertes à 6,2 millions. La Ville a récupéré 6 millions, a dit hier le président du comité exécutif de la Ville, Claude Dauphin. M. Dauphin a ajouté que les compagnies informatiques ont collaboré avec la Ville et la police. La Ville se réserve la possibilité de poursuivre les deux accusés afin de récupérer des sommes d'argent.

M. Dauphin a dit que des mécanismes ont été mis sur pied pour améliorer la fiabilité de la structure de facturation dans les services de la Ville. Il a insisté durant son point de presse sur le fait que l'administration municipale a agi «aussitôt qu'on a su qu'il y avait des irrégularités».

«On n'a pas strictement fait des discours ou de belles paroles contrairement à certains de nos adversaires. Aussitôt qu'on l'a su, on a agi, et avec 29 000 employés, malheureusement, dans la réalité de la vie, il peut se produire des choses irrégulières, mais le message que je vous donne aujourd'hui, c'est que c'est nous qui avons institué cette enquête interne-là qui a été transmise ensuite à la Sûreté du Québec, et nous, on a agi», a dit M. Dauphin.