Les cyclistes amateurs de vitesse ne sont plus les bienvenus sur le circuit Gilles-Villeneuve, le seul endroit à Montréal où ils pouvaient rouler à une cadence digne du Tour de France. La Société du parc Jean-Drapeau installera bientôt des chicanes sur l'asphalte pour forcer les cyclistes à ralentir. La raison : le nombre d'accidents y est trop élevé.

Dès la semaine prochaine, seuls les cyclistes qui roulent lentement, les patineurs à roues alignées et les joggeurs pourront emprunter le célèbre parcours, théâtre du Grand Prix de Formule 1 et de la course NASCAR. Ceux qui souhaitent rouler vite, ou en peloton, seront redirigés vers la piste qui entoure le bassin olympique.

La décision fait rager les amateurs de vélo de performance. Ils s'entraînent sur le circuit depuis plusieurs années, car c'est le seul endroit dans la métropole où ils peuvent atteindre et maintenir des pointes de vitesse sans risquer des collisions avec les voitures et les piétons.

«Il y a les courbes et les pentes qui nous permettent de nous entraîner, de changer le rythme, explique Martin Roy, un mordu qui pédale sur le site plusieurs fois par semaine. Et la largeur est idéale si on veut rouler en groupe.»

Les voitures et les camions circulent dans un corridor qui couvre le tiers de la largeur du circuit. Les cyclistes et les patineurs occupent le reste de l'espace. Cette division restera la même, mais on installera une série de dispositifs pour obliger les utilisateurs à ralentir à certains endroits. Il sera donc impossible pour les cyclistes de maintenir une vitesse de pointe sur les 4,3 km de la piste.

«On trouve que c'est très triste de perdre cet endroit», déplore Yanick Gamelin, membre du club Vélo Épic.

Comme plusieurs de ses amis, ce cycliste a écrit à la Société du parc Jean-Drapeau, espérant la convaincre de revenir sur sa décision. Car la piste qui contourne le bassin olympique est un rectangle long de cinq kilomètres, un parcours bien banal comparé aux pentes et aux courbes du circuit Gilles-Villeneuve.

Vingt-sept accidents

L'administration rétorque que le circuit est devenu dangereux. Elle y a recensé 27 accidents liés à la pratique du vélo en 2008. Et en une semaine, à la fin du mois de mai, trois cyclistes ont été impliqués dans des collisions, souligne la porte-parole Nathalie Lessard.

«On peut penser qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui utilisent le circuit pour faire de la marche, du jogging, du patin ou du vélo, dit-elle. Quand on considère le nombre de cyclistes qui pratiquent le vélo de performance, il y en a à peu près 300. On doit assurer la sécurité de la majorité de nos utilisateurs.»

Plusieurs personnes rencontrées sur place ont d'ailleurs confirmé que les cyclistes de route ne font pas toujours bon ménage avec les patineurs à roues alignées et les piétons.

Lucie Benoît ne s'est jamais sentie menacée, mais cette patineuse a été frôlée à maintes reprises par des pelotons de sept ou huit cyclistes filant à vive allure. Il aurait suffi d'une fausse manoeuvre, soit de sa part, soit de la leur, pour qu'une collision survienne.

«Si j'avais décidé de faire un coup de patin un peu plus prononcé vers ma gauche, résume-t-elle, j'aurais pu être frappée.»