La moitié des 137 familles qui ont quitté les désormais célèbres taudis de place l'Acadie et place Henri-Bourassa, en attendant la fin des travaux qui verra les lieux complètement reconstruits, seront pénalisées financièrement. Ces ménages, qui vivent pour la plupart sous le seuil de la pauvreté, devront payer entre 2900 $ et 4400 $ parce que leur logement temporaire leur coûte beaucoup plus cher.

Le CLIC Bordeaux-Cartierville, une coalition de 50 groupes du quartier, réclame en conséquence que la Ville de Montréal accorde une compensation financière à ces familles. Coût total de la demande : entre 137 000$ et 297 000$. «On est en situation d'urgence, souligne Nathalie Fortin, coordonnatrice du CLIC. Entre 20 et 34 familles sont déjà en situation très précaire. La pénalité qu'ils devront absorber est énorme.»

L'Office de consultation publique de Montréal, qui a rendu public hier son rapport - en majorité favorable - sur la revitalisation des ensembles immobiliers, appuie la demande du CLIC. «Les ménages relogés ne devraient pas être pénalisés par la démarche adoptée par la Ville pour régler le problème d'insalubrité. Pour éviter qu'ils ne s'appauvrissent davantage à cause du processus de relogement, la commission recommande à la Ville de leur verser une indemnité couvrant la différence de loyer induite par le relogement, et ce, jusqu'à leur retour.»

Mohamed Aouidat est l'un de ces locataires pénalisés. Ce père de trois grands enfants verse 400 $ de plus par mois en loyer depuis son déménagement, en juillet dernier. Il fait partie des 137 familles qui veulent revenir habiter les places l'Acadie et Henri-Bourassa une fois les travaux terminés. «Ce relogement, ça a vraiment perturbé ma vie avec ma famille», souligne-t-il. L'indemnité de départ qu'il a reçue de la Société d'habitation de Montréal a servi à acheter un nouvel ameublement : les anciens meubles étaient totalement contaminés par la vermine.

«La ville est sensible à cette question», souligne Denis Quirion, directeur de l'habitation à la Ville de Montréal. La SHDM dédommagera une quarantaine de ménages qui ont déjà fait une demande de compensation supplémentaire, promet-il. «Pour les autres, on va regarder ça au cas par cas», dit M. Quirion.

D'autre part, la plupart des intervenants au dossier des 21 immeubles des places se disent satisfaits du rapport de l'Office de consultation, qui estime que le projet du groupe Tyron est, dans l'ensemble, tout à fait convenable et qu'il doit se réaliser le plus rapidement possible. Sept des 21 immeubles des deux places, qui faisaient partie des pires taudis de la métropole, ont déjà été démolis par les bulldozers. À terme, seuls deux immeubles, déjà rénovés, resteront debout.

En lieu et place, le Groupe Tyron veut construire 1300 logements, qui s'élèveront autour d'un parc, où on trouvera une garderie et divers services.

Cependant, seulement 15 % de ces appartements seront des logements sociaux. C'est là le seul bémol exprimé par le CLIC, qui réclame qu'on double le nombre de logements sociaux. Une demande que rejette la Ville. «Quinze pour cent, c'est un pourcentage réaliste», dit Denis Quirion.