Le Conseil municipal de Montréal a été tenu dans l'ignorance quant à la véritable valeur d'un terrain qui a été vendu pour 1$ et autres considérations à une entreprise du promoteur Tony Accurso, révèle un rapport du vérificateur général de la Ville, le quatrième, rendu public hier.

Ce terrain, situé dans l'arrondissement de Saint-Laurent, a été vendu 733 000$ à la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), qui l'a revendu pour 1$ au promoteur, alors qu'il valait entre 1,4 et 1,625 million, selon les experts immobiliers de la Ville, indique le vérificateur.

 

Le «sommaire décisionnel», le document de base qui justifie toutes les actions de la Ville, qui a été présenté au conseil municipal par l'administration du maire Gérald Tremblay, n'informait pas les conseillers du fait que le terrain avait vu sa valeur grimper à plus d'un million de dollars à la suite d'un changement de zonage, souligne le rapport.

«Mentionnons également que le sommaire décisionnel passe sous silence le fait que le terrain devait par la suite être revendu au promoteur pour le prix de 1$, ajoute le rapport. À notre avis, le sommaire décisionnel se devait de faire état de l'ensemble des événements inhérents à cette transaction en vue de favoriser une prise de décision éclairée.»

Le Conseil municipal, qui n'avait donc pas toutes les données en main, a approuvé la vente du terrain de la Ville à la SHDM pour la somme de 733 000$, le 30 novembre 2007. «Subséquemment, soit le 5 décembre 2007, la SHDM vendait le terrain au promoteur pour la somme de 1$, ainsi que le prévoyait l'entente de développement.»

Le terrain, situé à l'angle des boulevards Henri-Bourassa et Marcel-Laurin, a été vendu à Construction Louisbourg ltée, firme appartenant à M. Accurso et à d'autres propriétaires. En contrepartie, Louisbourg s'est engagée à céder à la SHDM un local d'environ 3000 pieds carrés dans le bâtiment qu'elle devait construire, ainsi que 10 places de stationnement. L'arrondissement de Saint-Laurent avait l'intention d'utiliser ce local pour aménager une salle communautaire. La construction a commencé l'année dernière.

La SHDM avait d'abord tenté d'acheter le terrain de la Ville pour 1$, mais les représentants de la Direction stratégie et transactions immobilières (DSTI) ont rejeté cette offre. La SHDM, alors dirigée par Martial Fillion, est revenue à la charge avec une offre d'environ 700 000$, qui se basait sur une évaluation réalisée en octobre 2005 et sur les coûts de décontamination, estimés à 125 000$.

Or, aucune étude environnementale exhaustive n'avait été réalisée en vue de confirmer l'état de contamination réel du terrain, souligne le vérificateur. De plus, en août 2006, un changement de zonage a permis que soit construit un bâtiment de huit étages plutôt que six. «La valeur du terrain a alors été estimée entre 1,4 million et 1,625 million, note le vérificateur. Cette nouvelle fourchette de prix s'avérait être plus représentative de la valeur marchande du terrain. Cependant, la SHDM et le promoteur (Louisbourg) n'étaient pas d'accord avec cette nouvelle estimation.»

Joint chez lui hier, l'ancien directeur de la DSTI, Joseph Farinacci, a dit qu'il avait eu plusieurs discussions au sujet du prix du terrain avec le maire de l'arrondissement, Alan DeSousa. «Il essayait de me convaincre que le terrain ne valait pas si cher que ça (c'est-à-dire plus d'un million de dollars), se rappelle-t-il. On s'est obstinés à quatre ou cinq reprises, chaque fois pendant une couple d'heures. Je n'ai jamais changé de perspective dans ce dossier-là. Puis j'ai quitté la Ville. J'ai compris que mes successeurs se sont laissé convaincre de vendre le terrain à la SHDM pour 733 000$.»

La Presse a tenté de parler à M. DeSousa, et lui a laissé des messages téléphoniques détaillés, mais il ne nous a pas rappelé. Nous avons aussi tenté d'obtenir les commentaires de trois porte-parole de l'administration Tremblay, toujours en vain.

Le chef de l'opposition à l'hôtel de ville, Benoît Labonté, a ajouté que le dossier du Phoenix est un autre exemple de projet où l'avis des experts de la Ville n'a pas été communiqué au conseil municipal. «Beaucoup d'information a été cachée au Conseil municipal, a-t-il dit. Dans ce cas-ci, on ne nous a pas informés de la valeur réelle du terrain. C'est un autre cas où l'avis des experts de la Ville a été déconsidéré.»