La directrice générale de Saint-Lambert, Michèle Lortie, a envoyé un huissier chez cinq citoyens pour leur signifier que la Ville ne répondra plus à leurs demandes de documents publics. Cette décision fait des mécontents jusque dans le caucus du maire Sean Finn.

Le maire Finn et Mme Lortie ont estimé que ces citoyens, qui font partie de l'organisme Comité Saint-Lambert vert (CSLV), ont «harcelé» la Ville avec des demandes «abusives». Le CSLV rétorque qu'il fait ces demandes d'accès à l'information parce que l'administration Finn-Lortie manque de transparence et que, de surcroît, ces demandes auront finalement permis à la Ville d'économiser plus de 7 millions d'ici 2050.

 

Le CSLV est un peu l'opposition officieuse à Saint-Lambert. Avec 40 membres et quelque 200 sympathisants, ce «comité de vigilance citoyenne» est devenu puissant et organisé depuis un an. Sa mobilisation a entraîné, le 25 février, le rejet temporaire du nouveau plan d'urbanisme lors de la signature d'un registre. Ses membres posent des questions sans relâche. Au conseil du 11 février, le maire, excédé, a même retiré le droit de parole à deux membres du CSLV et a mis fin abruptement à la séance du conseil.

M. Finn et Mme Lortie estiment que les 28 demandes d'accès à l'information faites par ces citoyens en 42 semaines, soit moins de trois par mois, ont engorgé le service du greffe, «ce qui cause un préjudice aux autres citoyens». Sans décision du conseil, ils ont fait appel à un avocat qui a préparé une requête, signifiée aux citoyens par huissier, et adressée à la Commission d'accès à l'information (CAI). Elle réclame la permission de ne plus agréer les demandes d'accès de ces citoyens.

Dans la requête, on lit que les citoyens visés ont notamment demandé à la Ville combien elle avait versé en honoraires à la firme de communication BCP depuis 2006. Le porte-parole du CSLV, Simon Denault, dit que «c'est la Ville qui exige de faire appel à la loi sur l'accès à l'information» et que, grâce aux demandes d'accès, «le taux de taxation, la superficie et finalement le compte de taxes du golf Country club de Montréal ont été corrigés, ce qui représente 166 811,32$ par an en faveur de la Ville, soit 7 millions pour les 42 ans du bail».

En attendant que la requête soit tranchée, Mme Lortie a décidé de ne plus traiter les demandes de ces citoyens. Le porte-parole de la CAI, Jean-Sébastien Desmeules, a dit à La Presse, que «ce n'est pas ce qui est prévu par la loi». La Ville doit continuer de répondre aux demandes d'accès tant que la requête n'a pas été accueillie ou rejetée.

Ni le maire ni Mme Lortie n'ont rappelé La Presse malgré plusieurs tentatives. Par communiqué, le maire se défend de brimer les droits de ces citoyens. Il soutient que «la transparence est une des valeurs fondamentales» de sa gestion. Mais la requête dérange des citoyens qui ne sont pas membres du CSLV. Même des élus du parti du maire ont des réserves.

Le conseiller municipal Francis Dumais ne veut pas se prononcer pour l'instant sur ce dossier car il « manque d'informations ». Mais il trouve que « moins de trois demandes par mois, ça semble raisonnable ».La conseillère municipale Jill Lacoursière trouve, quant à elle, « regrettable » que Mme Lortie et M. Finn aient pris cette mesure et qu'en plus, les noms des cinq citoyens aient été révélés dans le communiqué de presse de Mme Lortie. En effet, normalement, la personne responsable de l'accès à l'information dans une municipalité ne doit pas divulguer le nom du requérant, notamment aux élus quand une demande les concerne, ni la rendre publique.

« Je trouve que cette requête est un geste exagéré, dit Mme Lacoursière. Ce n'était pas nécessaire. Je n'étais pas au courant. La Ville aurait pu offrir les documents beaucoup plus facilement. Je pense que moins de trois demandes par mois, c'est gérable pour le service. S'il y a une résolution dans ce dossier, je vais voter contre.» Le conseiller municipal Alain Depatie a également fait part à La Presse de ses observations sur cette affaire mais nous a priés de ne pas les publier.