Station Place-des-Arts, 8h12, un matin de février. L'heure de pointe. La STM annonce une intervention nécessitant des ambulanciers. Les policiers évacuent les passagers et exigent la coupure du courant sur les rames. Quelqu'un s'est jeté devant le métro.

Des autobus sont aussitôt nolisés pour prendre les passagers du souterrain. Des cordons de sécurité empêchent les gens de s'engouffrer dans la station Place-des-Arts.

 

Une employée de la STM doit répéter mécaniquement au flot incessant d'usagers que le service est interrompu pour une durée indéterminée à cause d'un accident.

Plusieurs semblent contrariés d'être bousculés dans leur routine quotidienne. L'employée de la STM demeure stoïque. Elle redirige les gens avec beaucoup de tact.

Une jeune femme rencontrée sur place - qui a préféré taire son nom - était dans le premier wagon lorsque quelqu'un s'est jeté devant le métro. Elle n'a pas vu sauter le malheureux. Elle l'a entendu. «Je m'en allais travailler quand c'est arrivé. Ça a tapé fort sur le wagon. Il y avait une fille proche de la fenêtre qui criait et mettait ses mains devant les yeux», raconte-t-elle, secouée. «Il y a plein de monde qui ont tout vu et vont rester pris avec ça», ajoute la jeune femme.

Posté devant l'édicule, Gilles, le camelot du journal 24h, confie avoir réconforté une jeune passagère en pleurs, qui disait avoir assisté au suicide.

Au même moment, deux employés d'entretien de la STM arrivent sur les lieux. Ils devront nettoyer la scène. «Ce n'est jamais agréable», laisse tomber l'un d'eux.

Sous le couvert de l'anonymat, un des policiers du métro confie être toujours hanté par certaines interventions. «J'ai vu des suicides en 1993 et j'en rêve encore.»

Au service de la STM depuis 24 ans, une employée a accepté d'aborder ce sujet. «C'est sûr que ce n'est jamais évident. On réagit tous différemment, comme les usagers. On essaie de rester calme. Quand c'est fini, on prend un bon café et on se retrousse les manches», raconte l'employée, qui ajoute avoir reçu comme ses collègues une formation pour faire face à de telles situations.

Du coin de l'oeil, l'employée aperçoit ses supérieurs qui arrivent. Elle cesse de parler aussitôt et se met à rougir.

Un peu plus loin, deux employés de l'équipe d'urgence de la STM remontent les escaliers. Ils viennent de terminer leur intervention. Une parmi tant d'autres. «La majorité des gens «ratent» leur suicide et se retrouvent très mal en point», insiste un jeune employé, qui n'a pas non plus voulu se nommer.

Et c'est sans compter les traumatismes vécus par les opérateurs de métro et les centaines d'usagers qui assistent bien malgré eux au drame. Dommages collatéraux.

Quant au service sur la ligne verte, il a repris une heure après l'«accident».