Une centaine d'arbres abattus, deux bâtiments démolis, une chapelle en danger et des vues sur la montagne masquées. Voilà les grandes lignes du projet de transformation extrême de l'ancien collège Marianapolis, situé en plein écoterritoire du mont Royal, sur lequel les élus de la garde rapprochée du maire Tremblay devront se prononcer aujourd'hui.

Dans un avis carrément «défavorable», dont La Presse a obtenu copie, et qui sera rendu public aujourd'hui, le Conseil du patrimoine de Montréal recommande que le projet de complexe résidentiel, avec clinique médicale, soit modifié de fond en comble. L'instance consultative estime que le promoteur, Développement Cato inc., devrait par ailleurs refaire ses devoirs pour préserver le site de 16 âcres tout en garantissant un accès au public malgré la nouvelle vocation privée.

Depuis que l'ancienne propriété des prêtres de Saint-Sulpice a été mise en vente, en mars 2008, l'organisme de défense du mont Royal, Les Amis de la montagne, a demandé à plusieurs reprises de voir les plans détaillés du futur acquéreur. Mais en vain. Ce n'est qu'aujourd'hui, alors que le projet sera fort probablement soumis à des audiences de l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM), un organisme de la Ville sans pouvoir décisionnel, qu'on apprend l'ampleur des travaux et l'impact sur la montagne.

Un complexe de 325 logements

Dans l'ensemble, il est projeté de recycler l'ancien séminaire de philosophie du chemin de la Côte-des-Neiges en un complexe de 325 logements comprenant des maisons superposées, des unifamiliales isolées et des multiplex. Outre les deux nouveaux immeubles d'une hauteur variant de 3 à 9 étages, le promoteur entend aménager une clinique médicale, possiblement à vocation privée, d'une superficie de 2000 m2, soit l'équivalent de la superficie du tablier du viaduc Rockland. Il est aussi question de creuser une piscine et d'aménager 671 unités de stationnement souterrain.

Afin d'analyser le projet et de tirer des conclusions, le Conseil du patrimoine (CPM) s'est basé sur la version finale du plan directeur de développement du promoteur Cato, datée du 7 janvier. À la lumière des maquettes, le CPM en vient à la conclusion que le site aurait dû demeurer à vocation institutionnelle ou publique, et croit qu'il serait temps d'explorer les moyens pour «transférer les droits de développement du promoteur Cato sur un autre site.»

Mais comme le site a déjà été vendu pour la somme de 45 millions et que la Ville n'a pas le pouvoir de dire non, le Conseil du patrimoine va de l'avant avec ses recommandations. Au chapitre des arbres, on apprend que l'abattage d'une rangée d'arbres matures doit servir à installer des maisons unifamiliales à l'ouest du site, donc en direction du sommet Westmount. À cet égard, le CPM déplore qu'aucune information n'a été fournie sur les mesures de plantation et les espèces retenues. Tous les travaux de déblai et de remblai projetés font par ailleurs penser qu'on est encore une fois «en train de grignoter les flancs du mont Royal.»

Éléphant dans un jeu de quilles

Dans un endroit où la circulation est particulièrement délicate, avec des impératifs de développement durable, les ambitions d'ouvrir une clinique médicale et d'aménager 671 unités de stationnement sont aussi vertement critiquées par le CPM. «La capacité d'accueil du site est limitée, note le Conseil. Et compte tenu de la proximité de l'Hôpital général de Montréal et des difficultés probables d'accès à partir de Côte-des-Neiges, il est difficile d'assurer un équilibre.»

En ce qui concerne la démolition du centre sportif et de la maison des employés, l'instance patrimoniale estime enfin que la nouvelle construction de neuf étages, plus haute que l'ancienne, cachera la vue sur l'ancien séminaire à partir de l'avenue Cedar. En conséquence, le Conseil craint qu'on répète l'erreur du projet de la Ferme sous les noyers, tout près du séminaire, qui a eu pour effet de rendre invisible la maison rénovée.

Informée par La Presse des conclusions du Conseil du patrimoine, la directrice générale des Amis de la montagne, Sylvie Guilbault, partage entièrement l'avis du Conseil, particulièrement au sujet de l'importance d'étudier les façons de transférer au public ou à l'institutionnel les droits de construction.

«Ce projet, dans un endroit particulièrement achalandé, avec en plus l'agrandissement prévu de l'Hôpital général de Montréal, constituera un bon test pour les gouvernements. Si on prend juste le nombre de stationnements que le groupe veut construire, c'est effarant», ajoute Mme Guilbault.