Non seulement le club de golf de Saint-Lambert, le Country Club de Montréal (CCM), a été exempté d'impôt foncier de 1973 à 2006 et de loyer de 1973 à 2000, mais il a aussi bénéficié depuis trois ans d'une erreur d'évaluation foncière que l'agglomération de Longueuil attribue «aux évaluateurs de la Ville de Saint-Lambert».

L'évaluation faite par l'agglomération à partir des données de Saint-Lambert était calculée pour une superficie de 30 hectares alors que le terrain de golf en fait 46.

 

Le président du CCM, Jacques A. Nadeau, le maire de Saint-Lambert, Sean Finn, et la directrice générale de la Ville, Michèle Lortie, savent que la superficie du club est de 46 hectares. Ils l'ont mentionné à plusieurs reprises, notamment dans un communiqué de presse, le 19 décembre dernier. Pourquoi donc la Ville perçoit-elle l'impôt foncier réduit de ce club privé à partir d'une donnée erronée?

C'est la question que ce sont posée deux citoyens lambertois, Simon Denault et Jean-Claude Champagne. Ils ont interrogé le site internet du ministère des Ressources naturelles, dans la section du cadastre. En entrant les numéros de lot correspondant au club et en additionnant les superficies, ils ont constaté un écart de 15,63 hectares entre la superficie pour laquelle le golf est imposé, 30,19 hectares, et la superficie réelle, 45,82 hectares.

L'erreur remonte à 2001

Simon Denault a prévenu le directeur de l'évaluation foncière de l'agglomération, Michel Vallée. Selon M. Denault, «il est tombé de sa chaise». Le porte-parole de Longueuil, François Laramée, a confirmé à La Presse que «l'erreur date de 2001» et qu'un «processus de correction est en cours et sera signifié à la Ville de Saint-Lambert».

«L'erreur s'est produite quand il y a eu rénovation cadastrale, dit M. Laramée. Les données avaient été fournies par les évaluateurs de la Ville de Saint-Lambert.»

La valeur au rôle du terrain était de 2,4 millions pour 30,19 ha. Pour 45,82 ha, la valeur grimpe à 3,7 millions, soit 1,3 million de plus. Saint-Lambert et l'agglomération ont eu, selon nos calculs, un manque à gagner annuel de 43 262$, soit d'environ 130 000$ en trois ans. Si l'erreur n'avait pas été découverte, la perte aurait été d'un million en 2050, date de la fin du bail.

«Comment se fait-il que la Ville de Saint-Lambert, qui travaillait dans le dossier de négociation depuis plus d'un an, ne se soit pas aperçue qu'il manquait plus du tiers de la superficie du terrain dans le calcul de l'impôt foncier?» demande M. Champagne.

La Presse a voulu poser la question à Mme Lortie, par ailleurs membre du CCM, et l'a appelée plusieurs fois depuis jeudi matin. Elle n'a pas rappelé, pas plus que la conseillère en communications, Catherine Langevin. Le maire Finn, aussi membre du CCM et spécialiste en fiscalité, n'a pas souhaité répondre à nos questions. Le dossier du CCM est actuellement l'objet d'une enquête à Québec.

Un bail généreux

Rappelons que, l'automne dernier, Saint-Lambert a signé avec le CCM un bail de 42 ans que des citoyens considèrent comme peu bénéfique financièrement aux contribuables et «très généreux» pour le club, qui connaît des difficultés financières.

La Presse avait aussi révélé en octobre que l'impôt foncier du CCM était calculé selon le taux résidentiel et au lieu du taux commercial comme c'est le cas des autres golfs privés de l'agglomération. Du coup, Longueuil a réajusté la facture en novembre et fait passer l'impôt foncier de 82 000$ à 205 000$. Mais Saint-Lambert n'a pas encore appliqué ce taux.

Avec l'ajustement à la bonne superficie, l'impôt foncier du Country Club de Montréal passera de 205 000$ à 250 000$ par année quand la Ville corrigera l'erreur.

«Ce n'est pas une bonne nouvelle, a réagi le président du CCM, Jacques A. Nadeau. On n'était pas au courant qu'on ne payait pas pour la bonne superficie. La Ville, elle, devait le savoir? Si c'est la bonne superficie, on ne contestera pas.»

Toutefois, Jacques A. Nadeau dit que le Country Club de Montréal veut contester le fait que l'impôt foncier est maintenant calculé au taux commercial. «Nos avocats travaillent là-dessus», a-t-il dit.