Les irrégularités commises ces dernières années à la Direction des services informatiques (DSI) de la Ville de Montréal qui ont mené au congédiement du cadre Gilles Parent, en septembre dernier, ont fait perdre 8 millions à l'administration, qui en a déjà récupéré 2.

La Ville a dit hier qu'elle avait déclenché une enquête interne quand un fournisseur lui avait signalé des irrégularités. À peu près en même temps, un employé de la Ville avait alerté ses supérieurs. «En mai 2008, de l'information a été portée à notre attention, tant de l'interne que de l'externe, sur des irrégularités dans la facturation à la DSI», a dit Jean-Yves Hinse, directeur des relations professionnelles à la Ville de Montréal.

L'administration a alors vérifié si l'information était fondée. Comme elle l'était, la Ville a porté plainte à la Sûreté du Québec en juillet et a mené sa propre enquête. Ses conclusions préliminaires l'ont amenée à résilier le contrat du fonctionnaire Gilles Parent, à son service depuis 25 ans.

Peu après les fusions municipales de 2001, M. Parent avait pris part à l'uniformisation des logiciels et des équipements rendue nécessaire par la création de la nouvelle Ville de Montréal. En 2002, il était chef de division responsable des orientations corporatives et des technologies nouvelles au Bureau de la gestion de l'information et des technologies. Il a participé à l'harmonisation des pratiques informatiques qui a abouti à la création d'une unité centrale pour gérer le parc informatique de l'ensemble des arrondissements.

Dans son enquête interne, la Ville a passé au crible tous les contrats qu'elle avait signés avec des compagnies informatiques de 2003 à 2008. «On a découvert des irrégularités dans la facturation de certaines firmes», dit M. Hinse.

Montréal a signé un total de 13 contrats-cadres avec 10 entreprises informatiques, petites et grandes.

Gilles Parent avait voix au chapitre à titre de chef de division lorsque des contrats ont été accordés. La Presse a constaté que son nom figure très souvent dans des documents officiels de la Ville rendant compte de ces contrats. Jean-Yves Hinse dit que Gilles Parent «travaillait seul», dans le sens où aucun de ses collègues n'est impliqué dans les irrégularités.

La SQ dira bientôt si les irrégularités sont une fraude et si des accusations seront portées. La Ville assure en tout cas qu'elle récupérera ce qu'elle a perdu. Elle a déjà obtenu 2 des 8 millions payés en trop.

«On est en discussion avec les firmes pour récupérer la totalité des sommes, dit M. Hinse. Elles ont toutes offert leur collaboration. On continue notre enquête. On vérifie feuille par feuille, contrat par contrat. Les montants ne sont pas encore définitifs, mais c'est de l'ordre de 8 millions.»

En attendant, la Ville retient depuis septembre plusieurs paiements dus à ces firmes. «On retient actuellement le paiement de l'équivalent de 8 millions, dit M. Hinse. Au fur et à mesure qu'on récupérera les sommes à recouvrer, on remboursera les firmes.»

Cette affaire a considérablement nui à la DSI. Des projets ont été arrêtés ou ralentis. Toute la gestion de la DSI est en cours de réforme. Pierre Winner, qui avait été nommé directeur général par intérim de l'arrondissement d'Outremont à la suite de la démission du maire Stéphane Harbour, en 2007, a été chargé du dossier.

«Pierre Winner est une ressource-clé. Il est compétent et loyal, et il maîtrise parfaitement l'environnement administratif de la Ville, son aspect financier et son style de gestion, dit Jean-Yves Hinse. Il travaille avec le nouveau directeur par intérim de la DSI, Michel Archambault, un cadre qui a travaillé auparavant à Montréal-Nord et dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et qui a participé à la mise en place du projet Simon.»

M. Hinse dit que la Ville veut remettre la DSI «sur les rails» et revoir l'ensemble des projets pour qu'une telle affaire ne se reproduise pas. «Nous-mêmes, à la Direction des services professionnels, on avait un projet de gestion des conventions collectives mais on a décidé de le suspendre, car il n'y a pas d'urgence.»

De son côté, le chef de l'opposition officielle, Benoit Labonté, estime que des questions demeurent sans réponse: «Si l'enquête a été entreprise en mai dernier, comme l'avance la Ville, pour mener au congédiement d'un cadre le 10 septembre 2008, pourquoi ce n'est qu'en octobre, après son congédiement, que la Ville a mandaté la firme de juricomptables Leclerc afin d'établir la preuve nécessaire? Cette question mérite une réponse claire. Et pourquoi a-t-elle versé, pour les mois de septembre et octobre, plus de 50 000$ à la firme Dufresne Hébert Comeau dans ce dossier? Cela ressemble à une réaction tardive pour rattraper les années de laisser-faire.»

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