L'administration Tremblay connaît un lendemain de veille hivernal douloureux en n'arrivant toujours pas à s'expliquer pourquoi des chèques de paye n'ont pas été envoyés à quelque 600 cols bleus. Et pour une rare fois dans l'histoire des relations de travail montréalaises, la Ville ne rejette par entièrement le blâme sur ses équipes de travailleurs.

La direction du capital humain de Montréal a passé la journée de jeudi à essayer de comprendre ce qui a bien pu «déraper dans la chaîne de montage», a expliqué Jean-Yves Hinse, directeur des relations professionnelles. «À ma connaissance, c'est la première fois que ça arrive, a-t-il dit. Bien honnêtement, il nous faudra quelques jours avant d'obtenir toutes les explications.»

Ce qui est clair, en tout cas, c'est que l'opération de déneigement qui s'annonçait déjà titanesque, mercredi soir, s'est transformée en gestion de crise au plus fort de la tempête, en pleine heure de pointe. Après avoir constaté que leurs heures supplémentaires n'avaient pas été payées depuis six semaines, les cols bleus de neuf arrondissements de l'ancienne ville ont arrêté net leur machinerie vers 16h. Certains cols bleus durant 30 minutes, d'autres durant deux heures, ou jusqu'à ce que les équipes de soir prennent le flambeau, vers 19h.

Immédiatement après avoir été avisée du débrayage, la direction du capital humain a appelé le Conseil des services essentiels afin de calmer le jeu. Vers 18 h, la direction de Montréal et les représentants du syndicat ont engagé un sprint de négociations. Deux heures et demie plus tard, le syndicat, représenté par le président du local 301, Michel Parent, s'engageait à cesser les moyens de pression.

Tout en déplorant le débrayage des cols bleus, Michel Parent soutient que c'est la troisième année consécutive que des chèques d'heures supplémentaires ne sont pas émis durant le temps des Fêtes. Selon lui, c'est à cause des cols blancs, aux ressources humaines, qui ne travaillent pas durant les jours fériés.

«Je présume qu'un col bleu exaspéré par la situation a pris les ondes, mercredi soir, et qu'il y a eu un effet d'entraînement. Je peux les comprendre, dans un sens, surtout les surnuméraires qui doivent déclarer leurs heures pour obtenir leur chômage.»

De son côté, la Ville de Montréal est passée en cinquième vitesse, en soirée, pour envoyer les chèques et les avances totalisant facilement un montant de 400 à 500 000$. Selon l'entente, l'administration municipale s'engage à verser des avances aux auxiliaires d'ici lundi. La totalité des heures supplémentaires devront entièrement être payées d'ici le 12 février.

Même si le Conseil des services essentiels n'a pas statué sur la question, le directeur Jean-Yves Hinse estime que le débrayage était illégal. «Il ne s'agissait pas d'un hasard, c'était un geste concerté», estime-t-il. Il ajoute que l'administration n'entend pas exercer de représailles puisque les parties se sont entendues à l'amiable.

Dans les neuf arrondissements touchés, le débrayage n'a pas semblé avoir trop d'impact. Le chargé de communication de Ville-Marie, Jacques-Alain Lavallée, a expliqué que seulement la moitié des cols bleus, soit une quinzaine de personnes, ont cessé les opérations jeudi soir.

«Il faut dire que nous avions fait entrer du personnel le 22 et le 23 janvier pour s'assurer que les chèques de paye seraient émis, ajoute M. Lavallée. Pour cette raison, le débrayage a eu des conséquences minimes.»

Les autres arrondissements touchés, soit le Plateau Mont-Royal, Ahuntsic-Cartierville, Rosemont-La-Petite-Patrie, Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, le Sud-Ouest, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, de même que Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, devaient commencer le chargement de la neige au cours des dernières heures.

«Une quinzaine de cols bleus ont cessé les opérations durant environ deux heures, a dit Serge Fortin, de la direction de l'arrondissement de Rosemont. Mais on devait être en mesure de commencer le chargement dans la nuit de jeudi à vendredi. Nos cols bleus prendront probablement une pause dimanche pour respecter la loi limitant le nombre d'heures passées à bord d'un véhicule.» Luis Miranda, grand responsable du dossier, s'est pour sa part limité à dire que les opérations avaient repris rapidement après le débrayage, et qu'il trouvait le geste «déplorable».