Les patinoires de glace extérieures, un des symboles du Canada, vont-elles disparaître peu à peu pour être remplacées par des patinoires synthétiques? Ce n'est pas impossible. À cause des températures en dents de scie des derniers hivers, des coûts d'entretien et d'énergie élevés, plusieurs municipalités du Québec ont testé récemment un nouvel équipement qui pourrait bientôt faire fureur un peu partout dans la province.

«J'ai trippé au bout!» Le coordonnateur aux sports de la Ville de Boisbriand, Yannick Garon, qui a testé une patinoire synthétique récemment, n'en revenait pas. «Les premières cinq minutes, c'est difficile pour les jambes, mais après on s'habitue et c'est comme patiner sur une patinoire normale», dit-il.

 

À Beaconsfield, les citoyens ont essayé une patinoire synthétique dimanche. «Ils ont constaté que la glisse n'est pas la même, car il y a plus de résistance, mais ça pourrait combler nos besoins pour l'entraînement du hockey mineur et pour le patinage libre et ça permettrait de prolonger la saison de patinage extérieur», dit le directeur Culture et Loisirs de Beaconsfield, Michael Dooling.

C'est le distributeur Glace synthétique du Canada (www.glacesynthetique.ca) qui monte ces patinoires à partir de panneaux de polymères encastrables les uns dans les autres. La surface est utilisable à l'intérieur et à l'extérieur, été comme hiver. Le produit EZ-Glide 350, fabriqué aux États-Unis par Multiplex Systems, existe depuis une trentaine d'années, dit François Bilodeau, président de Glace synthétique du Canada.

«Le produit a été créé quand les troupes américaines de patinage artistique se produisaient dans des centres commerciaux, dit-il. L'utilisation de glace réfrigérée coûtait trop cher. Alors, elles se promenaient avec ces panneaux, les mettaient à terre et patinaient dessus.»

À l'époque, ce système n'a pas trouvé preneur chez nous. Le mercure n'oscillait pas comme aujourd'hui en hiver. De nos jours, les villes dépensent beaucoup d'argent pour maintenir une qualité de glace acceptable l'hiver. L'équipement synthétique est donc plus approprié. D'autant qu'il est écologique, dit-on.

«Le système ne requiert ni arrosage ni réfrigération ni électricité, dit M. Bilodeau. Il n'y a pas d'ammoniac, pas de surfaceuse. Il peut durer 20 ans et les panneaux sont réversibles et recyclables.»

Par contre, la patinoire synthétique est pour les sportifs. Elle requiert plus d'effort. Il y a une résistance de 15% par rapport à la glace. «Si les personnes pensent embarquer sur la patinoire et commencer à patiner comme sur une vraie, ce n'est pas le cas, prévient M. Bilodeau. Mais plus ta lame est réchauffée, plus tu vas patiner vite. Ça prend de bons muscles aux bons endroits. Ça développe les bonnes manières de patiner et c'est pourquoi c'est bon pour les centres de développement de hockey.»

Pour l'instant, aucune municipalité n'a acheté l'équipement au Québec. Il a seulement été installé dans des résidences privées et des centres de hockey. Pour le secteur municipal, les panneaux se vendent entre 16$ et 28$ le pied carré. Il faut compter 360 000$ pour une patinoire synthétique de la taille d'une patinoire classique.

Le mois dernier, après avoir testé lui-même cet équipement, le maire de Dorval, Edgar Rouleau, a été «agréablement surpris».

«La rondelle bouge aussi bien que sur une patinoire ordinaire, dit-il. La construction d'une patinoire extérieure réfrigérée coûte un million. Alors une synthétique est intéressante et en plus, y'a aucun entretien.»

Du coup, Dorval va «considérer» cette option pour l'an prochain. «À Noël, pour les vacances des jeunes, ce serait bien, car souvent à ce moment-là, la température ne permet pas d'ouvrir les patinoires», dit-il.

M. Bilodeau pense que «deux ou trois municipalités» vont acquérir une patinoire synthétique «au début 2009». Beaconsfield y réfléchit aussi. Le maire Bob Benedetti dit que son conseil se penchera sur la question ce printemps. Beaconsfield a actuellement six patinoires de hockey classiques et 10 ronds de glace. «Avec une synthétique, on économiserait 6000$ d'électricité par an, car il n'y a pas de réfrigération», dit-il.

Pour joindre notre journaliste eric.clement@lapresse.ca