Le flanc de l’incendie de forêt qui menace Normétal, en Abitibi-Ouest, se trouve maintenant à moins de 500 mètres de la municipalité, où la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) concentrait les efforts de ses avions-citernes mercredi en fin d’après-midi. À Chapais, on demande aux citoyens à la santé précaire d’évacuer, mais les autres peuvent y demeurer, pour le moment.

Au moment où les feux se rapprochent de plusieurs communautés en Abitibi-Ouest, dont Saint-Lambert, « on ne peut pas être partout à la fois », prévient toutefois le porte-parole de la SOPFEU, Stéphane Caron. « En ce moment, c’est très très très préoccupant pour ces villages. »

« Tous les efforts sont déployés pour tenter de sauvegarder la municipalité [de Normétal], mais on ne peut pas garantir le résultat de ce côté, il faut être réaliste », précise Stéphane Caron. Le combat se poursuit malgré tout sur le sol et dans les airs donc dans l’espoir de tenir les flammes à distance.

À Lebel-sur-Quévillon, un autre secteur considéré comme un « point chaud » par la SOPFEU, deux feux sont actuellement surveillés.

L’un est poussé en direction inverse de la ville tandis que l’autre « se trouve à être un peu plus menaçant, mais n’a pas progressé », indique Stéphane Caron. Des tranchées mécanisées et des asperseurs ont été disposés autour de l’usine Nordic Kraft où se trouvent des composés chimiques dont la combustion potentielle inquiétait les autorités.

Finalement, au complexe « Chibougamau-Oujé-Bougoumou-Chapais-Mistissini », l’incendie « n’a pas progressé de façon spectaculaire aujourd’hui, ce qui est une bonne nouvelle en soi », dit le porte-parole de la SOPFEU.

Ce répit relatif a permis aux autorités de se concentrer là-bas les efforts de protection, c’est-à-dire de couper dans la forêt des « coupes-feu » et des « lignes d’arrêts » où le feu pourrait être ralenti.

Mistissini refuse d’évacuer

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel et le premier ministre François Legault

Plus tôt aujourd’hui, la communauté crie de Mistissini a annoncé là-bas qu’elle n’évacuerait pas ses concitoyens et que ceux-ci sont « en sécurité ». À François Legault, qui avait demandé une évacuation plus tôt mercredi, le chef Michael Petawabano rétorque que le premier ministre du Québec « ne dirige pas notre communauté ».

« Je comprends que Legault a parlé. […] Mais Legault ne dirige pas notre communauté, la communauté est dirigée par le leadership ici, nous prenons les décisions. S’il y a un danger, nous vous informerons », a martelé M. Petawabano lors d’une allocution tenue à la radio et sur les réseaux sociaux, en après-midi.

Quelques heures avant, François Legault avait pourtant laissé entendre que les résidants de la communauté devront quitter. « On demande d’évacuer Mistissini aujourd’hui. Il y a un risque. On va prendre le temps de le faire comme il faut. […] On continue d’avoir un risque de feu qui se propage en Abitibi. On continue de garder Normétal évacué. Il y a aussi Senneterre où on commence à faire des évacuations », avait-il indiqué.

Interrogé à savoir s’il avait discuté avec les autorités cries, M. Legault avait toutefois été prudent. « On est en train de discuter des différentes alternatives avec le chef des Cris là-bas. On devrait être capable d’annoncer ça au cours des prochaines heures, parce qu’on veut s’assurer que le plan fait l’affaire aussi de la communauté crie », avait-il dit.

Mais le chef Petawabano, lui, assure que l’évacuation ne se fera pas à court terme. « Il n’y a pas de danger. Nous sommes en sécurité. Nous n’évacuons pas pour le moment. Nous vous prions de rester calme », a-t-il lancé.

« Nous continuons de surveiller la situation, en travaillant très étroitement avec la SOPFEU qui est ici tous les jours, en évaluant la situation et en utilisant tous les outils disponibles », a renchéri M. Petawabano. Son administration commencera néanmoins à examiner des options pour déplacer les « personnes vulnérables », comme des femmes enceintes ou des résidents avec des problèmes respiratoires, notamment. Les écoles seront aussi fermées pour la semaine, par mesure préventive.

Pour la suite, le chef de Mistissini demande d’attendre « les rapports de la communauté ». « Je sais que c’est parfois difficile. La panique peut s’installer, mais nous apprécierions vraiment que vous attendiez nos rapports. Si quoi que ce soit change, nous vous aviserons », a-t-il promis.

Quelque 4000 personnes demeurent dans la communauté de Mistissini. En incluant les 11 000 personnes déjà évacuées, une évacuation de ce secteur ferait donc grimper le bilan jusqu’à 15 000, voire 16 000 personnes. Il n’y a pas de pluie de prévue pour le nord et l’ouest du Québec d’ici lundi soir. Les personnes évacuées devront probablement attendre encore au moins six jours avant de retrouver leur domicile.

Pour François Legault, il s’agit d’un deuxième faux pas de communication en quelques jours. Lundi, il avait affirmé que les autorités allaient être « obligées de laisser brûler Clova », vu l’intensité du brasier. La SOPFEU avait toutefois peu après nuancé ses propos, en précisant « qu’aucune résidence du village n’a encore été détruite par le feu », mais que « certains chalets pourraient cependant avoir été brûlés ».

« Tout est prêt » à Chapais

À environ 130 kilomètres de Mistissini, la mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, a indiqué mercredi que « tout est prêt » pour évacuer, sans toutefois en donner l’ordre formel.

En soirée, les citoyens à la santé précaire ont toutefois été invités à quitter puisque les ressources pour se faire soigner à Chibougamau n’y sont plus.

Puisque Chibougamau a été évacué, c’est plutôt limité, donc on recommande fortement aux personnes avec une santé précaire de se diriger vers Saint-Félicien.

Isabelle Lessard, mairesse de Chapais

Ils pourront être hébergés au cégep où une infirmière et une travailleuse sociale les attendent. Les animaux sont permis, à indiqué Isabelle Lessard. La mairesse a ensuite expliqué la décision de la municipalité de ne pas ordonner d’évacuation pour le moment.

« Le feu à proximité de Mistissini, il n’a pas progressé de façon significative. C’est une des raisons qui fait qu’on peut rester ici ce soir », a-t-elle dit. « Chibougamau, c’est une grande municipalité, c’est pour ça qu’ils ont choisi d’évacuer leurs gens, donc pour pas que ça se fasse dans la panique. Ils ont choisi de le faire et c’est bien correct, ça se comprend. »

Une évacuation partielle de Chapais avait déjà eu lieu la semaine dernière, alors que 400 résidants avaient reçu l’ordre de quitter la ville.

Le gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James a toutefois déclaré l’état d’urgence pour les secteurs du Lac Cavan, du Lac Opémisca, du Lac Dulieux, du Lac Buckell, de la Presqu’île, de la Baie Demers et de la Baie Queylus. Les citoyens qui vivent dans les sites de villégiatures identifiés ci-haut ont donc l’obligation d’évacuer, a indiqué l’instance dirigée par la mairesse Chibougamau, Manon Cyr.

En point de presse mercredi, M. Legault a également fait valoir qu’il demeure très important que les évacués de Lebel-sur-Quévillon ne retournent pas à la maison pour le moment. « Je veux apporter une précision : il y a l’usine Nordic Kraft, où il y a beaucoup de mazout. C’est très important que les gens ne retournent pas à Lebel-sur-Quévillon », a-t-il indiqué.

Pour fonctionner, le complexe industriel a besoin des produits chimiques comme du chlorate, et nécessite des quantités importantes de mazout et de gaz naturel. « On a eu très très chaud vendredi soir », indique Frédéric Verreault, directeur du développement corporatif pour Les Chantiers de Chibougamau, propriétaire de l’usine. Depuis mardi, un « commando » formé d’employés de la SOPFEU et de l’équipe de foresterie de l’entreprise élargit la zone sécurisée autour du site pour éviter un désastre environnemental avec la combustion de ces matières dangereuses.

Des équipes mobilisées, assure Dubé

Partout, les équipes de santé sont mobilisées pour évacuer les patients et résidents de CHSLD qui devront l’être, a par ailleurs assuré mercredi le ministre de la Santé, Christian Dubé. La veille, le personnel a été à pied d’œuvre une partie de la nuit pour transférer les usagers de Chibougamau vers Roberval et Montréal.

« Hier soir jusqu’à minuit, il y avait encore des gens qui avaient nolisé un avion pour partir de Chibougamau. On ne parle pas juste d’hôpitaux, mais de CHSLD aussi, ce ne sont pas toujours des patients qui sont faciles à déplacer », a expliqué M. Dubé qui a remercié les employés du réseau.

On déplace vraiment les personnes les plus vulnérables, celles qui sont plus longues à déplacer parce qu’on ne voudrait pas arriver à la dernière minute et ne pas être capable de le faire.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Pour l’heure, les ressources aériennes sont suffisantes. « On va chercher des appareils Pilatus dans le privé, on travaille beaucoup avec Airmédic qui a les avions pour faire ça alors oui, pour le moment ça va très bien », a fait valoir M. Dubé.

Biden propose son aide

Le président des États-Unis Joe Biden a proposé son aide au premier ministre canadien Justin Trudeau au cours d’un appel au sujet des incendies de forêt « dévastateurs et historiques » qui frappent le Canada, a rapporté la Maison-Blanche mercredi.

« Le président a ordonné à son équipe de déployer tous les moyens fédéraux de lutte contre les incendies qui peuvent rapidement aider à éteindre les incendies qui touchent les communautés canadiennes et américaines », indique le communiqué, au moment où la fumée des incendies recouvre une grande partie du nord-est des États-Unis.

Agence France-Presse

Situation stable dans l’Est-du-Québec

Dans l’Est-du-Québec, la pluie a donné un bon coup de main à la SOPFEU qui note que la plupart des feux y sont considérés comme « contenus », même s’ils n’apparaissent pas comme tels sur le site internet de l’organisation. « On n’est pas en mesure, puisqu’on met nos priorités sur les autres secteurs, d’en faire l’analyse, mais ils sont probablement contenus par la pluie », précise le porte-parole Stéphane Caron. La Ville de Sept-Îles a annoncé mercredi que le feu 215, au nord du lac des Rapides, est maintenant considéré comme « contenu » par la SOPFEU. Le feu 378, lui, a été ralenti par la pluie et demeure calme dans sa partie sud, où des pompiers font du travail au sol. Selon la Santé publique, la qualité de l’air est maintenant « bonne » à Sept-Îles et « les risques pour la santé sont faibles ». Les patients évacués ont d’ailleurs commencé à être rapatriés par le CISSS de la Côte-Nord, mais l’opération prendra plusieurs jours. Toutes les écoles ont quant à elles pu être rouvertes. Des pompiers seront présents dans la communauté dans les prochains jours pour répondre aux questions des citoyens ayant été évacués.

Avec Fanny Lévesque, La Presse