Les résidants de Frontenac, dans la région de Lac-Mégantic, ont rejeté à 92,5 % la possibilité d’implanter une voie de contournement ferroviaire. S’il est souhaité par bon nombre de personnes depuis la tragédie ferroviaire de 2013, le projet suscite néanmoins son lot de grogne, certains élus et citoyens s’y opposant.

« Je vais rencontrer mon conseil municipal parce que c’est toujours lui qui décide. On va discuter de ça, puis on va voir quelle direction on va prendre à la suite de ces résultats », a déclaré dimanche soir le maire de la municipalité, Gaby Gendron.

Plus de la moitié des 1300 résidants de la municipalité en mesure d’exercer leur droit de vote s’en sont prévalus, soit 697 personnes. Pas moins de 92,5 % ont voté contre la proposition de tracé du gouvernement fédéral qui traverserait leur municipalité.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Carte de la région de Lac-Mégantic, avec le tracé des voies ferrées existantes et projetées

Connu pour ses réserves face au projet de voie de contournement, le maire Gaby Gendron avait notamment dit craindre ces dernières années que les terres soient « scindées en deux ». Son administration avait toutefois finalement accepté que le projet se réalise, à certaines conditions.

Il s’est montré peu surpris par les résultats de dimanche soir. « Un sondage téléphonique avait été fait et 90 % de la population s’était prononcée contre le projet. Sauf que les différents paliers de gouvernement disaient qu’il pouvait être biaisé parce qu’il avait été fait par des citoyens », a-t-il rappelé.

Les élus avaient alors dit craindre les « impacts sur la nappe phréatique et la qualité de l’eau des puits qui résulteraient de la construction de la voie de contournement ». La tenue d’un référendum a été annoncée peu après.

Il faut dire que depuis quelques mois déjà, la voie de contournement ferroviaire perd de son acceptabilité sociale. En avril, La Tribune a rapporté que la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic craint que le Canadien Pacifique (CP) veuille faire de cette nouvelle voie une « autoroute de transport intercontinental de matières dangereuses »⁠1.

Une construction « le plus tôt possible »

Plus récemment, en janvier, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, s’était rendu à Lac-Mégantic pour discuter de la voie de contournement avec les maires des municipalités concernées, le député local et des citoyens. Il avait alors déclaré vouloir mettre en priorité un début de construction « le plus tôt possible », en prévoyant des mesures pour « atténuer » au maximum les impacts environnementaux.

Après la rencontre, la mairesse de Lac-Mégantic, Julie Morin, a déclaré que le ministre lui avait fait part de sa volonté de poursuivre avec le tracé prévu, « avec un souhait de construction à l’automne ».

Selon Mme Morin, le fait « qu’il n’y ait pas encore eu une pelletée de terre dans ce projet-là » à l’approche du 10anniversaire de la tragédie est une « honte ».

« C’est l’espoir qui diminue à chaque année qui passe. On a compté cinq fois aujourd’hui que le train est passé en sifflant en plein cœur du centre-ville exactement au même endroit où il a déraillé. Je peux vous dire que ce n’est pas une situation qui est facile. Il y a aussi un bris de confiance avec Transports Canada et avec les compagnies ferroviaires depuis le 6 juillet 2013, alors ça rajoute une couche de complexité », avait notamment détaillé la mairesse.

Le maire de Frontenac voit toutefois les choses différemment. « Le ministre Alghabra a dit devant témoin que l’acceptabilité sociale était aussi importante pour les gens de Frontenac que pour les gens de Lac-Mégantic », a-t-il lancé dimanche soir.

Reste à voir si le fédéral ira tout de même de l’avant sans un consensus des deux municipalités voisines ou bien s’il proposera un nouveau tracé. « On a parlé souvent du tracé de la demi-voie de contournement, mais il a été rejeté du revers de la main par [le fédéral]. On va voir s’il décide de la remettre sur la table ou non », indique Gaby Gendron.

Le 6 juillet 2013, 47 personnes avaient perdu la vie lors de la pire tragédie ferroviaire de l’histoire du Canada. Un train rempli de pétrole brut a dévalé une pente en amont de la municipalité avant de dérailler en plein centre-ville de Lac-Mégantic, déclenchant des explosions et un immense incendie.

1. Lisez l’article : « La Coalition retire son appui au projet de voie de contournement proposé »

Avec La Presse Canadienne