Un contrat de 8 millions vient d’être accordé en urgence et sans appel d’offres par le ministère des Transports du Québec (MTQ) pour consolider des dizaines de suspentes du pont Pierre-Laporte. Les ingénieurs de l’État dénoncent le temps qu’a mis le gouvernement à réagir.

« On va le répéter encore : il était prévu pour être donné en urgence depuis plusieurs mois, ce contrat-là. Et les hautes autorités du Ministère n’ont jamais cru y donner suite. Ça démontre le peu de mobilité du gouvernement », fustige le secrétaire et trésorier de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Andy Guyaz.

Dès avril, son groupe – qui n’est plus en grève depuis juillet, mais qui doit encore faire entériner sa nouvelle convention par ses membres – dit avoir informé le MTQdes vulnérabilités sur le pont.

Selon les services essentiels négociés en mai dans le contexte de la grève des ingénieurs, l’APIGQ affirme que deux contrats devaient être accordés en urgence pour le pont Pierre-Laporte : l’un pour la consolidation des suspentes, l’autre pour le remplacement de plusieurs suspentes. « Malgré tout cela, on a dû attendre trois mois pour octroyer un contrat en urgence ? Ça nous fait vraiment sourciller », affirme M. Guyaz.

28 suspentes à consolider

Ledit contrat, d’une valeur de tout près de 8 millions et officialisé le 22 juillet, a été rendu public ces derniers jours sur la plateforme d’appels d’offres du gouvernement provincial. Par courriel, le Ministère affirme que les suspentes visées par le contrat – accordé à l’entrepreneur Pomerleau qui réalise déjà d’autres travaux sur le pont – « sont celles plus courtes, plus susceptibles de se détériorer rapidement ». « Pour 2022, 28 suspentes sont à consolider », indique le porte-parole Nicolas Vigneault.

« La grève des ingénieurs ayant retardé l’ensemble du processus, le Ministère n’était plus en mesure de se tourner vers un appel d’offres traditionnel. Ce processus permet de réduire les délais et facilite la gestion du chantier », ajoute le porte-parole.

Pour Andy Guyaz, « prétendre qu’un mois de grève brise une partie du calendrier du pont, c’est rigoureusement inexact ». « La réalité, dit-il, c’est que nos ingénieurs sont là, mais il faut que tout le monde y soit, et ça inclut l’entrepreneur. Il faut être conséquents à un moment donné. »

Un autre contrat de 14,5 millions a par ailleurs été attribué à la fin du mois de juin à l’entrepreneur Stellaire pour remplacer une vingtaine d’autres suspentes et mettre en place des supports temporaires. Il y a toutefois eu un appel d’offres. « Des remplacements auront lieu cet automne. Les suspentes qui ne pourront être remplacées avant l’hiver seront sécurisées par l’ajout d’un support temporaire d’ici leur remplacement au printemps 2023 », affirme Nicolas Vigneault, du MTQ.

En juin, c’est d’abord un reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada qui avait révélé que les suspentes du pont Pierre-Laporte étaient de moins en moins résistantes. Le réseau public avait révélé au grand jour le rapport produit par deux ingénieurs du ministère des Transports, qui a été transmis à de hauts gestionnaires dès la fin du mois d’avril, selon lequel certaines suspentes pourraient même « céder à tout moment ».

Le ministre des Transports, François Bonnardel, n’avait à l’époque même pas été informé de l’existence de ce rapport, ce qu’il avait jugé « inacceptable ». « Mon sous-ministre va faire toute la lumière sur le processus qui a mené à ce cafouillage. Il a déjà posé des gestes », a indiqué M. Bonnardel. Il affirme qu’une « firme externe sera mandatée pour examiner le processus qui a mené à ces erreurs ».

« Déjà, le ministère prévoyait remplacer les suspentes dans un échéancier de 15 ans, mais nous allons accélérer la cadence. Ça ne prendra pas 15 ans » avait aussi soulevé M. Bonnardel.

En savoir plus
  • 95 millions
    Au cours des cinq dernières années, 95 millions ont été investis pour divers travaux et inspections sur la structure du pont Pierre-Laporte. On estime qu’environ 125 000 véhicules empruntent le pont Pierre-Laporte quotidiennement, dont près d’un sur dix est un véhicule lourd.
    SOURCE : ministère des Transports du Québec (MTQ)