(Gatineau) Le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, n’en veut pas à dame Nature. Mais il aimerait bien qu’elle accorde un peu de répit à sa ville, qui doit composer aujourd’hui avec une troisième catastrophe naturelle en trois ans.

Après les inondations sans précédent de 2017, qui ont englouti une partie du territoire de la ville qui borde la rivière des Outaouais, puis la tornade qui a détruit tout un quartier en 2018, voilà que le premier magistrat se prépare depuis des semaines à mener les opérations municipales en prévision de la crue printanière, qui menace à nouveau de submerger les mêmes quartiers qu’il y a deux ans.

À ces catastrophes naturelles, M. Pedneaud-Jobin tient aussi à ajouter qu’en octobre 2017, Gatineau a connu trois des cinq pires pluies des 100 dernières années.

Alors que le maire disait espérer, il y a un mois, que le printemps soit « le plus plate possible », c’est loin d’être le cas, même si les dernières heures ont été marquées par un ralentissement, voire une stabilisation de la hausse des niveaux d’eau et que la crue des eaux est inférieure aux prévisions des derniers jours.

PHOTO MARTIN ROY, LE DROIT

Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

« Il n’y a pas une ville au Québec qui a une expertise de gestion de crise comme Gatineau. Tous ces événements amènent un niveau de raffinement dans l’organisation durant une catastrophe naturelle », a déclaré hier le maire dans une entrevue à La Presse.

« À la Ville, nous sommes bien meilleurs aujourd’hui. Mais les citoyens sont extraordinaires aussi. Ils ont déjà tout vécu cela. Il y a des gens qui arrivent et qui disent exactement combien de sacs ils ont besoin. Ils savent où l’eau est allée, ce qu’ils ont mal fait la dernière fois et ils corrigent le tir. Les chaloupes sont prêtes, les canots aussi sont à côté de la maison. Il y a vraiment un niveau d’organisation du côté municipal et de la part des citoyens qui est exceptionnel parce que nous avons tous vécu cela il y a deux ans », a-t-il ajouté.

Des leçons cruciales

Durant le sommet municipal sur les changements climatiques, tenu à Gatineau le mois dernier, M. Pedneaud-Jobin et la directrice générale de la Ville, Marie-Hélène Lajoie, ont été invités à partager leur savoir-faire devant les élus municipaux du Québec.

Selon le maire, les autorités municipales – et les résidants de Gatineau – ont appris des leçons cruciales des inondations de 2017. Ces leçons ont visiblement guidé les efforts soutenus des autorités en prévision des inondations à venir.

La toute première leçon ?

« On communique plus rapidement avec les citoyens. Dès février, tous les citoyens des zones à risque ont reçu un dépliant qui expliquait quoi faire, comment monter une digue, etc. Nous avons commencé très tôt. Il y a eu des quartiers où il y a eu des rencontres. Nous faisons cela depuis 2017. »

— Maxime Pedneaud-Jobin 

Durant les inondations de 2017, la Ville a acheté deux ensacheuses pour répondre rapidement à la demande de sacs de sable pour protéger les résidences. Une troisième a été acquise depuis, donnant à la municipalité une capacité de production de sacs de sable « phénoménale » de 30 000 sacs par jour.

« Nous avons aussi acheté des sacs de sable pleins. Nous avons mobilisé plus de 1000 bénévoles en deux jours, en fin de semaine. Ils en ont préparé 40 000 en deux jours. Nous avons été capables de fournir tous les sites. Ce sont des leçons que nous avons apprises de 2017 », a-t-il souligné.

Des digues mieux construites

La même vigilance était de mise, hier, dans les quartiers de Gatineau menacés. Alors qu’une demi-douzaine de soldats des Forces armées canadiennes s’affairaient depuis la matinée à remplir des sacs de sable à l’angle des rues Saint-André et Saint-Paul, les résidants construisaient méthodiquement des digues autour de leur demeure, tandis qu’on entendait au loin le succès de l’Acadienne Lisa LeBlanc Aujourd’hui, ma vie, c’est d’la marde.

« Nous sommes bien en avance par rapport à 2017. La digue est plus haute. On a installé de nouvelles pompes dans la cave. On devrait être prêts ! », lance Carol Gouin, qui réside rue Saint-Paul depuis 36 ans et qui a connu ses premières inondations il y a deux ans. Le sous-sol de sa maison a été rempli d’eau.

Aujourd’hui, la digue semble impénétrable. Une première rangée de sacs de sable est recouverte d’un long plastique. Une deuxième rangée a été installée pour protéger la première. En tout, plus de 2000 sacs de sable entourent sa maison. « On ne veut pas faire les mêmes erreurs qu’en 2017. »

Et le moral dans tout cela ? « Super ! », répond-il tout de go en sirotant son café Tim Hortons. « J’ai une gang qui m’aide, mes enfants, mes beaux-frères. Le moral est bon malgré tout. Je n’ai pas le choix », lance-t-il, sourire en coin.

Une deuxième crue dans une autre maison

À quelques mètres de là, Anne Charbonneau se prépare à affronter une deuxième crue des eaux, mais dans une autre maison qu’elle a achetée l’an dernier. La maison qu’elle habitait en 2017, rue Saint-François, a dû être démolie à la suite des inondations.

« Ça va faire un an qu’on est ici », lance-t-elle, bien installée derrière sa digue. « On savait que c’était possible, mais on ne pensait pas que ça arriverait aussi rapidement. » Sa nouvelle maison n’a pas de sous-sol. Elle a été construite de cette façon. « On est bien organisés cette année. On a appris de dures leçons. J’ai quatre pompes pour sortir l’eau qui pourrait s’infiltrer dans la digue. Ça devrait bien aller. C’est sûr que c’est du travail. »

Le député fédéral de Gatineau, Steven MacKinnon, a passé les derniers jours à visiter les zones à risque, à faire le pont entre les autorités municipales et le gouvernement fédéral et à remplir des sacs de sable.

Les catastrophes naturelles qui se multiplient dans sa région démontrent évidemment que les changements climatiques sont réels. « En tant que représentant d’une communauté qui a vécu trois fois des événements liés aux changements climatiques, se présenter devant les électeurs en n’ayant aucun plan n’est pas une option », dit-il en écorchant le Parti conservateur d’Andrew Scheer. « Je vous avoue qu’hier, quand je remplissais des sacs de sable, j’ai pensé plusieurs fois à Andrew Scheer. Je me suis dit : “Ce sac-là, c’est pour vous, M. Scheer.” J’en ai fait plusieurs pour lui ! »