(Beauceville) Une autre déferlante de la rivière Chaudière est attendue dans les prochains jours à Beauceville, après une inondation pourtant historique causée par un embâcle mardi.

« On a toute une réputation, les Beaucerons, pour se retrousser les manches, mais quand j’ai fait le tour des commerçants, ils sont essoufflés un peu, ils ont les larmes aux yeux », a déclaré le maire de Beauceville, François Veilleux, mercredi, en conférence de presse.

« On est découragés, on est tannés, on a hâte d’avoir de l’aide concrète et permanente. »

Entre jeudi et vendredi, entre 35 et 50 mm de pluie sont appréhendés, ce qui, jumelé au temps doux, fera fondre la neige et gonfler les rivières.

Le débit de la rivière Famine, qui se jette dans la Chaudière, devrait atteindre 300 mètres cubes, qui s’ajouteront aux 1100 mètres cubes du barrage Sartigan en amont.

L’embâcle avait cédé près d’une île mercredi. Mais si l’embâcle de 4 km de glace ne cède pas dans les prochains jours, l’eau montera et inondera de nouveau le centre-ville, où résidants et commerçants s’affairaient pourtant à nettoyer les dégâts mercredi.

« On n’ose pas trop y penser, mais on est prêt à toute éventualité », a lancé mercredi François Veilleux, .

La localité est logée au fond d’une vallée le long de la Chaudière. Le niveau de la rivière mardi avait atteint 154 m au-dessus du niveau de la mer, tout près du record de 1971, alors que le niveau normal est à 144 m.

Plus de 230 résidences avaient été évacuées, mais environ 120 personnes étaient en processus pour réintégrer leur domicile mercredi. Partout, de la machinerie lourde dégageait les voies encombrées par de gros morceaux de glace. Des citoyens jetaient des décombres, des biens endommagés, et activaient des pompes.

La municipalité ne peut rien faire de plus à titre préventif, a-t-on assuré. « On a pas mal essayé toutes sortes de choses pour éviter ça, on est encore en mode recherche », a affirmé le maire, qui a précisé que sa Ville est notamment en lien avec des chercheurs.

« On va devoir trouver des solutions permanentes, on ne peut pas gérer ce que la rivière fait, on peut par contre trouver des solutions qui nous évitent d’avoir ces problématiques, sachant que la rivière va rester la rivière », a ajouté le directeur général de la Ville, Félix Nunez.

Il a évoqué notamment l’aide du Québec et du fédéral. Le gouvernement Legault a en effet annoncé cette semaine de nouvelles mesures de son programme d’aide aux sinistrés pour les encourager à quitter les zones inondables.

Si la somme des montants versés au fil des années pour la résidence est égale ou supérieure à 50 % du coût neuf ou 100 000 $, les sinistrés pourront réclamer une aide financière afin de déplacer la maison, ou encore afin de l’utiliser comme allocation de départ.

« Moi, si on me donne 70 000 $ pour me relocaliser demain matin, je suis la première à lever les bras ! » a lancé Sylvie Dufour, qui habite une maison le long de la Chaudière.

Quelques minutes avant, elle était en pleurs en constatant les dégâts. Elle a dû s’enfuir la veille par la falaise derrière chez elle en raison de la montée rapide des eaux.

« Ça, là, ça fait deux jours que je pleure, c’est ma moto », a-t-elle dit après avoir retiré la housse sur sa motocyclette. Un très gros morceau de glace avait atterri sur la selle, et deux hommes ont été nécessaires pour l’enlever.

Sa voiture, une Honda Civic, a été emportée et a terminé en perpendiculaire dans sa cour. Dans son sous-sol, plusieurs pieds d’eau et de la glace. Jusqu’au rez-de-chaussée qui a été inondé.

« S’ils sont prêts à me donner mon prix pour ma maison, je vais déménager, fini le trouble ! » a lancé Michel Drouin, un propriétaire qui habite au centre-ville de Beauceville.

Excédé, il s’affairait avec des personnes venues l’aider à vider son sous-sol rempli d’outils. L’eau est montée très rapidement mardi, en à peine quelques minutes, a-t-il confirmé. Il demeure sceptique sur l’assistance que pourra lui apporter le gouvernement.

« Ceux qui disent que le gouvernement va régler ça, oublie ça ! Le gouvernement peut pas tout remplacer ce qu’on a. »

Le maire François Veilleux a déclaré que la relocalisation des habitants des zones inondables était « envisageable », mais il a exprimé des doutes.

« Vous voyez le relief de Beauceville, si demain je les relocalise, je ne sais pas où je vais les mettre. »

Une quarantaine d’employés municipaux travaillaient en permanence sur le terrain mercredi, en plus des services de pompiers de trois municipalités, et d’au moins une quarantaine d’agents de la Sûreté du Québec.

L’inondation est survenue très rapidement à bonne heure mardi matin lorsqu’un important embâcle qui s’était formé sur la rivière juste en amont du centre-ville s’est rompu, ce qui a aussitôt causé une hausse soudaine du niveau de la rivière, qui est sortie de son lit.

Outre Saint-Joseph-de-Beauce, qui est la prochaine municipalité de la Chaudière à se trouver à risque, les autres municipalités en aval, notamment Vallée-Jonction, Sainte-Marie, Scott et Saint-Lambert-de-Lauzon, près de Lévis, sont également sur le qui-vive.