Louis Sauvé est furieux. Le sinistré en détresse dit avoir été tourné en dérision par le ministère de la Sécurité publique (MSP), après avoir lu un courriel désobligeant de la part d’une employée.

« Son témoignage lol ». C’est une partie du message d’une employée du Ministère transmis par inadvertance à Louis Sauvé, sinistré des inondations de 2017 et 2019 à Gatineau. L’acronyme « lol », de l’anglais Laughing out loud, est utilisé dans le langage virtuel pour désigner un rire.

Comme beaucoup de gens dans sa situation, il a entrepris des démarches pour obtenir de l’aide financière auprès du MSP. Il a également publié plusieurs témoignages sur sa page Facebook. Dans un texte datant du 23 octobre, il décrit notamment ses déboires avec le MSP et le drame subi par lui et sa femme depuis le sinistre.

Touchée par cette publication, l’ancienne voisine de Louis Sauvé l’a fait parvenir le jour même à une des personnes responsables du dossier au MSP. « Nous résidions dans le même immeuble de condos, nous sommes dans le même bateau », a expliqué M. Sauvé.

PHOTO MARTIN ROY, LE DROIT

Louis Sauvé

En voulant transmettre le message à un collègue, l’employée du gouvernement a plutôt répondu à l’amie et ex-voisine de M. Sauvé. Celle-ci s’est empressée de lui montrer le message : 

« Dans son témoignage lol il mentionne avoir fait faillite ? ? ? ? ? ? il faudra l’informer qu’il n’a pas le droit à de l’aide si c’est le cas », lit-on dans l’échange de courriels.

Cette attitude a laissé Louis Sauvé pantois. Il était déjà à bout quand ses yeux ont balayé du regard le « lol », bien en évidence sur l’écran de son ordinateur. « Le mot “lol”, ça m’a fait basculer », a-t-il laissé tomber d’une voix sombre.

Les deux inondations vécues par l’homme de 51 ans l’on conduit à la faillite et à la dépression. Il a mis une croix sur ses projets de retraite et consulte un psychologue.

« Quand j’ai appris qu’on riait de moi, j’ai crié, puis j’ai pleuré », a confié l’homme à La Presse. Il se demande comment sa détresse a pu être tournée en dérision. « Il n’y a rien de drôle là-dedans », déplore-t-il, encore sous le choc.

L’employée du Ministère s’est excusée peu après avoir fait parvenir le courriel, expliquant à la destinataire « que ce e-mail [lui] avait été envoyé par erreur ».

« Il s’agit d’un malheureux incident qui est inacceptable », a répondu Louise Quintin, relationniste au MSP. Le Ministère examine actuellement le dossier et rencontrera l’employée en question.

Les intervenants provinciaux et municipaux impliqués dans une gestion de crise jouent un rôle important dans le bien-être des sinistrés. « On doit les sensibiliser sur leur manière d’interagir avec les citoyens pour favoriser leur résilience et non la miner », affirme la Dre Mélissa Généreux, coordonnatrice du programme santé dans le domaine des changements climatiques de l’organisme Ouranos.

État critique

Sur les réseaux sociaux, les sinistrés sont nombreux à raconter leurs expériences personnelles : manque de suivi, personnel qui ne semblait pas formé ou encore perte du dossier.

Brigitte Pruneau en est à son cinquième déménagement. Épuisée, l’ancienne résidante de Sainte-Marthe-sur-le-Lac estime que les délais concernant son dossier étaient trop longs.

Elle dit avoir reçu au cours des derniers mois des réponses différentes de la part du MSP et de sa municipalité. « Ils ne communiquent pas entre eux, comment voulez-vous que le problème se règle ? », dit-elle en soupirant.

Le MSP comprend la situation vécue par les sinistrés, a indiqué sa porte-parole Louise Quintin.

Plusieurs sinistrés admissibles au programme ont pu recevoir un paiement quelques jours seulement après l’ouverture de leur dossier et chaque dossier est traité avec diligence, assure-t-elle. Certains sont plus complexes et nécessitent davantage de temps.

Mme Pruneau reste convaincue que son cas aurait pu se régler facilement et rapidement. Elle a senti un manque de professionnalisme. Alors qu’elle tentait de s’informer à propos de son dossier auprès d’un analyste du MSP, on lui a dit : « Madame, vous êtes émotive », raconte-t-elle.

« Si on n’était pas aussi solidaires sur les réseaux sociaux avec nos groupes d’entraide, ça irait beaucoup plus mal. On est pris en otage financier », dénonce-t-elle. 

>> Consultez la page Facebook d’un groupe de sinistrés