Enfouir des câbles électriques aussi puissants que ceux de l'île d'Orléans comme le propose François Legault n'a jamais été fait par Hydro-Québec, pourrait entraîner des coûts « prohibitifs » et n'a été réalisé qu'en laboratoire.

Pour mieux vendre l'idée d'un troisième lien, le premier ministre a mentionné dans son discours d'ouverture mercredi qu'il envisageait d'enfouir les trois lignes électriques qui traversent l'île d'Orléans.

« Et loin de vouloir défigurer l'île d'Orléans, on peut même imaginer démanteler les pylônes d'Hydro-Québec qui gâchent le paysage et faire passer les câbles électriques par le troisième lien », a lancé le premier ministre.

Mais cette proposition à première vue bien simple relève de la prouesse technique. C'est que jamais au Québec des lignes de 735 000 volts à courant alternatif n'ont été enfouies par Hydro-Québec. La plus puissante et la plus longue de ce type a été installée à Montréal : elle est de 315 000 volts et longue de 8 km.

Dans le passé, Hydro-Québec a souvent répété qu'enfouir une ligne de 735 kV serait une opération très délicate, sinon impossible. En 2014, lors d'une audience publique sur la ligne Chamouchouane - Bout-de-l'Île, un cadre de la société d'État avait bien résumé les défis d'une telle entreprise.

« Si on voulait faire un lien 735 kV souterrain, cette technologie-là n'existe qu'en laboratoire actuellement. Et donc, elle n'a pas été démontrée à grande échelle. »

- Mathieu Bolullo, aujourd'hui directeur principal des projets de production chez Hydro-Québec, en 2014

« Et même sur de courtes distances, les coûts associés à une technologie souterraine à 735 000 V sont tellement prohibitifs que l'économique d'un projet en souterrain à 735 000 V ne devient pas une solution acceptable », avait ajouté M. Bolullo.

Ces puissantes lignes de transport ont une longue histoire au Québec. La première ligne de 735 kV au monde a été inaugurée le 29 novembre 1965 par Hydro-Québec. La ligne de 735 kV a été même nommée « l'innovation technologique québécoise du XXe siècle » par l'Ordre des technologues professionnels du Québec. Mais jamais la société d'État n'a enfoui l'une de ces lignes.

Hydro-Québec a accueilli avec ouverture la proposition de M. Legault. « Nous allons donner suite à la demande du premier ministre et lui revenir avec nos conclusions », affirme un porte-parole, Maxence Huard-Lefebvre. « En deux mots, c'est un défi technique », ajoute-t-il.

La ligne à haute tension la plus puissante (450 kV) actuellement enfouie au Québec traverse le fleuve à Grondines. Mais contrairement à celle de l'île d'Orléans, elle est à courant continu, une technologie plus facile à enfouir.

COUP DE POKER DE LEGAULT ?

La proposition de François Legault a surpris le préfet de la MRC de L'Île-d'Orléans.

« Ça fait 50 ans qu'on se bat pour faire enfouir ces fils-là. Plusieurs fois, Hydro-Québec nous a dit que c'était impossible. Ils nous disaient ça il y a moins de deux ans encore. »

- Harold Noël, préfet de la MRC de L'Île-d'Orléans

Dans le contexte où le troisième lien promis par la CAQ semble destiné à passer par l'île d'Orléans, le préfet ne serait pas surpris qu'il s'agisse d'un coup de poker du premier ministre pour augmenter l'acceptabilité sociale.

« Je le pense. Et si vous écoutez bien ce qu'il a dit, il dit qu'il pourrait considérer d'enfouir les fils. On est loin d'une promesse, dit M. Noël. J'ai comme l'impression que c'est quelque chose qu'il a dit pour donner une image environnementale à tout ça. »

Le gouvernement a annoncé la semaine dernière des retards dans la reconstruction du pont de l'île. Initialement prévu pour 2024, le nouveau pont ne sera livré qu'en 2027. Le ministre des Transports, François Bonnardel, aurait aussi affirmé aux élus de l'île qu'il serait prêt à présenter le projet de troisième lien en novembre 2019.