Face à la grogne du conseil municipal de Gaspé, Pétrolia est contrainte de «momentanément reporter» son forage exploratoire au puits Haldimand 4, qui contiendrait près de huit millions de barils de pétrole.
Son président André Proulx veut permettre aux intervenants de «discuter dans un climat plus serein qui fait davantage appel au rationnel qu'à l'émotivité». Pétrolia détenait depuis l'été dernier un permis de forage, qui ne nécessite pas de fracturation ou stimulation hydraulique. Mais Gaspé craignait néanmoins pour son eau potable. Le puits est situé à environ 350 mètres de la maison la plus proche. La municipalité a adopté en décembre dernier un règlement pour protéger son eau, et bloquer ainsi le forage.
Selon Pétrolia, le règlement «outrepasse les pouvoirs de la municipalité» et brime ses «droits légitimement obtenus».
Le ministre du Développement durable, Yves-François Blanchet, croit que le règlement de Gaspé était «légitime et valide». Le permis de Pétrolia l'était tout autant, reconnaît-il. Il ne veut pas dire lequel aurait eu préséance devant les tribunaux. Depuis le début, il plaide au contraire pour une entente au lieu d'un affrontement juridique.
«On ne mènera pas de bataille non plus contre Gaspé, annonce M. Proulx. On veut que les choses se fassent de façon harmonieuse.» Il déplore toutefois que Gaspé n'a pas déposé d'étude hydrogéologique pour justifier sa crainte de contamination de l'eau.
M. Blanchet pense que Pétrolia a pris une sage décision. «L'acceptabilité sociale est importante, et les citoyens de Gaspé se sont exprimés avec beaucoup de clarté. Avec la décision prise, on va permettre ainsi à tout le monde de prendre du recul», estime-t-il. Pétrolia veut laisser une foreuse à Gaspé, mais déménagera d'autres équipements ailleurs. Elle se consacrera davantage à son gisement Bourque, en Gaspésie, et en Anticosti.
Sain débat, croit Blanchet
Le ministre Blanchet croit que le débat actuel est sain. «Les enjeux pétroliers sont relativement nouveaux au Québec. Il reste beaucoup de points à éclaircir. C'est normal qu'il y ait des frottements, et c'est même une bonne chose, car ça va nous permettre d'affronter rapidement ces questions.»
La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, doit déposer en début de session parlementaire un nouveau projet de loi sur les mines. Elle déposera ensuite un premier projet de loi sur les hydrocarbures.
Pétrolia rappelle que son forage au puits Haldimand 4 est crucial pour le reste de ses activités. «Ça fait 100 ans qu'on sait qu'il y a du pétrole en Gaspésie, mais on ne sait pas comment l'exploiter. On pense avoir trouvé la clé avec Haldimand (...), qui montre le système de fracture naturel dans le sol», raconte M. Proulx. S'il réussit à comprendre le système de fracture dans le sol et la façon de forer le pétrole, il trouvera la recette pour exploiter le pétrole dans d'autres gisements. «J'aimerais ça pouvoir déplacer le gisement Haldimand, mais ce n'est pas possible.»
Libéraux et caquistes dénoncent
L'opposition libérale regrette que Pétrolia doive interrompre ses activités à Gaspé. Son député Pierre Paradis demande à la première ministre Pualine Marois de trancher. «Si (Mme Marois) veut vraiment développer les ressources naturelles de manière durable au Québec, qu'elle commence par mettre fin à l'incertitude et qu'elle clarifie les règles du jeu au Québec.»
«Dans toute cette affaire, jamais nous n'avons senti de volonté réelle du conseil des ministres de trouver une solution au litige. Bien au contraire, le ministre responsable de la région, Gaétan Lelièvre, a même participé à des manifestations contre Pétrolia», renchérit le caquiste François Bonnardel. Il accuse le gouvernement péquiste d'être «hostile» au développement du pétrole.
Réaction contraire de Québec solidaire. Sa co-porte-parole Françoise David salue la «victoire» des citoyens de Gaspé qui «se sont tenus debout pour protéger leur milieu de vie». Elle suggère que dans les nouvelles lois sur les mines et les hydrocarbures, on accorde aux MRC un «droit de véto sur tout projet minier et énergétique».