Le promoteur de la tour de copropriétés de Gilles Vaillancourt, Elias Khoury, a des relations avec plusieurs proches de l'ex-maire de Laval, selon une enquête de La Presse.

Le chef de police de Laval, l'ex-directeur général de la Ville, un avocat travaillant pour la Ville, une cousine, un important promoteur de terrain: tous ces gens ont acheté des condos à Elias Khoury ou à ses entreprises depuis deux ans. Et les transactions ont pour la plupart été réalisées par le notaire de la famille Vaillancourt, Martial Lavoie.

Gilles Vaillancourt a réservé un appartement terrasse (penthouse) au 15e étage de la tour du chemin des Cageux, située près de l'île Paton et baptisée Parc Regency, selon nos informations. La Sûreté du Québec (SQ) a fait une perquisition à cette adresse le 5 octobre.

En plus de l'ex-maire, le promoteur a vendu un appartement à sa cousine, Ginette, également au 15e étage. S'y trouve également le chef de police de la Ville, Jean-Pierre Gariépy, au 7e étage. M. Gariépy agit comme président du syndicat de copropriétés du Parc Regency.

Les deux logements adjacents à celui du chef de police sont également détenus par un proche de l'administration Vaillancourt, en l'occurrence Gilles Laporte, de la firme Dunton Rainville.

Me Laporte a acheté les appartements par l'entremise de sa firme Consultation G. Laporte, qui donne comme adresse le bureau de Dunton Rainville, boulevard du Souvenir. Dunton Rainville est le principal fournisseur de services juridiques de la municipalité.

D'autres projets de condos

Le promoteur Elias Khoury n'a pas seulement la tour du chemin des Cageux à son actif. Il a récemment bâti un autre projet de luxe à Laval, rue Marineau, à quelques kilomètres à l'est de l'île Paton.

Or, deux des six appartements du projet y ont encore été achetés par deux notables de la Ville de Laval, proches de l'ex-maire Vaillancourt. Il s'agit de Claude Asselin, ex-directeur général de la Ville, et de Pierre Grothé, important promoteur. Claude Asselin, maintenant chez Dessau, a acheté son luxueux appartement non fini en mars 2011 pour quelque 686 000$. Il l'a revendu à sa femme pour 1$ cinq mois plus tard.

MM. Asselin et Grothé risquent toutefois de se voir expulsés de leurs appartements, qu'ils ont pourtant payés. Le 12 septembre, un huissier s'est en effet présenté à leur porte et leur a transmis un recours en délaissement forcé intenté par un sous-traitant. Ce dernier affirme que M. Khoury fait défaut d'acquitter des versements totalisant un million de dollars.

En réplique à cette requête, le promoteur Khoury soutient en cour que les démarches sont «exagérées et sans fondement». Il dit retenir 10% des sommes du contrat parce que l'entrepreneur n'a pas terminé son travail.

Deux autres projets de M. Khoury sont également dans cette situation difficile, un à Laval et l'autre à Montréal. Pour ces projets, M. Khoury a été associé à un financier en ascension à Montréal: Kheng Ly.

MM. Khoury et Kheng Ly ont aussi fait des affaires ensemble dans la tour du chemin des Cageux, à Laval. En août 2011, Kheng Ly a acheté un appartement terrasse au 15e étage de la tour pour 850 000$, qu'il a revendu 900 000$ quelques mois plus tard. Pendant quelque temps, Kheng Ly a donc détenu l'appartement immédiatement voisin de celui de Gilles Vaillancourt, chemin des Cageux.

Kheng Ly et le blanchiment

Kheng Ly a un passé controversé. Il s'est fait connaître à Montréal comme propriétaire de certains bureaux de change, qui fonctionnent aujourd'hui sous le nom de Services financiers KL, avec des succursales rues Jean-Talon et Jarry.

En 2004, Kheng Ly et son employé Harry Phung ont été arrêtés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et accusés d'avoir blanchi 590 000$ pour le compte de trafiquants de drogue. Les policiers avaient intercepté des conversations téléphoniques qu'avaient eues Kheng Ly et Harry Phung avec les trafiquants, selon une déclaration conjointe des faits, que La Presse a obtenue.

Un agent de la GRC avait infiltré le groupe. Au début de ses relations, l'agent avait demandé au principal trafiquant s'il pouvait convertir en chèque un petit montant «d'argent sale», soit 20 000$.

Le trafiquant a alors appelé Kheng Ly et lui a demandé en vietnamien s'il pouvait lui fournir un chèque «concernant cette chose» et combien il réclamait pour ce service. Après quelques démarches, le service a été rendu, comme deux autres par la suite pour des sommes beaucoup plus importantes. Le nom de Kheng Ly est mentionné 43 fois dans la déclaration de 24 pages.

Harry Phung a reçu une peine de 16 mois de prison en 2005, mais les accusations contre Kheng Ly, qui contrôlait les centres d'encaissement de chèques, ont été retirées par la Couronne.

Au téléphone, Elias Khoury se défend d'avoir vendu des appartements aux proches de Gilles Vaillancourt. Somme toute, dit-il, les proches de l'ex-maire sont peu nombreux en regard du nombre total d'appartements de l'immeuble. «Je ne fais pas de screen sur les acheteurs au moment de vendre», dit-il essentiellement.

Kheng Ly n'a pas rappelé La Presse, pas plus que Jean-Pierre Gariépy, Gilles Laporte ou Claude Asselin.

- Avec la collaboration de Fabrice de Pierrebourg