La violente tempête qui a frappé la région de Saint-Rémi mercredi pourrait priver des centaines de travailleurs agricoles mexicains et guatémaltèques de leur gagne-pain. En deuil de leurs récoltes, plusieurs agriculteurs envisagent de se départir de leurs employés saisonniers, qui risquent maintenant d'être renvoyés chez eux. Déjà, les arrivées de nouveaux travailleurs ont été suspendues.

«Les producteurs en sont à faire le bilan, mais plusieurs pensent devoir réduire leurs effectifs», explique le directeur général de la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole étrangère (F.E.R.M.E. Québec), René Mantha. «Ça va dépendre de plusieurs facteurs. Ceux qui décident de semer une seconde fois auront besoin de gens pour récolter dans un mois. Mais que vont-ils faire avec leurs travailleurs d'ici là? Certains producteurs auront besoin d'aide pour réparer des bâtiments endommagés par la tempête, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.»

Quelque 2000 travailleurs migrants sont actuellement employés en Montérégie, dont une majorité dans le secteur ravagé, au sud de Montréal. Des centaines d'autres

devaient arriver dans les prochaines semaines. «On va tenter de replacer les employés qui perdront leur poste dans d'autres fermes, où devaient initialement travailler les prochains arrivés, assure M. Mantha. Mais il est fort possible qu'on n'ait pas de place pour tout le monde.»

À la ferme Guinois& Frères de Saint-Isidore, où la récolte entière a été ravagée, les travailleurs latino-américains sont devenus un véritable casse-tête pour les propriétaires. «J'ai 62 hommes qui travaillent ici, je fais quoi avec eux? se demande Jean-Luc Guinois. On va essayer de les faire transférer sur une autre ferme. Mais plusieurs fermes sont touchées, ça fait beaucoup de travailleurs à replacer.»

Son père, Gaston Guinois, s'est montré compatissant. «Eux, ils sont venus ici pour travailler, ils veulent travailler», a-t-il souligné.

Dans ses champs, les Mexicains restaient optimistes. Plus ébranlés par la force de la tempête que par le spectre d'une fin hâtive de leur contrat, ils étaient prêts à mettre la main à la pâte. «C'est très triste», a dit en espagnol Rogelio Hernandez Vargas, d'Irapuato, au Mexique, employé de la ferme Guinois& Frères depuis 20 ans. «Je n'ai jamais rien vu de pareil. Il va tout falloir recommencer à zéro.»

«Ça fait 21 ans que je viens travailler ici, et je n'ai jamais vu quelque chose comme ça, ni ici ni au Mexique», a ajouté dans la même langue Esteban Sosa. A-t-il eu peur, pendant la tempête? «Un peu, a-t-il répondu. On était dans l'autobus jaune qui est là, et c'était terrible. Des boules de glace très grosses tombaient, on aurait dit des roches! C'était terrible. Et là, tout est détruit dans les champs, il n'y a presque plus rien, plus de céleris ni de laitues.»

L'homme a admis être un peu inquiet pour la suite des choses. «On va travailler, le problème, c'est qu'on fera peu d'heures. Puis, de meilleurs jours viendront!»