Une véritable catastrophe s'est abattue mercredi soir au sud de l'île de Montréal, lorsqu'une tempête de grêle a anéanti les récoltes de nombreux producteurs maraîchers. Le bilan est sombre. Les pertes pourraient atteindre plusieurs dizaines de millions de dollars. «On va manquer de laitues dans les prochaines semaines», a prédit Sylvain Guinois, agriculteur durement touché. Devant l'ampleur des dégâts, des fermiers songent maintenant à renvoyer des centaines de travailleurs mexicains à la maison, faute de travail.

«C'est comme si on avait passé les salades dans le mélangeur», a dit hier avec désarroi Jean-Luc Guinois, de la ferme Guinois&Frères de Saint-Isidore, en Montérégie. La veille, la forte grêle qui s'est abattue au sud de Montréal a dévasté ses champs. «On a 400 acres de terres, 200 acres de céleris, 200 autres de laitues, a-t-il indiqué. Tout est détruit.»

Des rafales ont aussi tordu une serre longue de 60 m, qui gît désormais au sol, telle la carcasse d'une baleine échouée après une tempête. La moitié du toit de la maison de Sylvain Guinois, frère de Jean-Luc, s'est également envolée, comme l'espoir pour ces maraîchers d'assurer leurs revenus cet été.

«Il y a deux ans, il y avait eu une petite tornade ici, s'est souvenu Sylvain Guinois. On avait eu des pertes de 10 000$ à 20 000$, ce n'était pas si pire. Là, on va perdre des millions!» La ferme, qui emploie 62 travailleurs agricoles, n'était pas assurée. «Au moins, il n'y a aucun blessé», a souligné Gaston Guinois, père des deux frères.

«Pour comprendre ce qu'on vit, prends un pied de céleri et frappe-le 10 fois sur un poteau, a enchaîné Sylvain. Tout a été broyé.»

Partout dans la région, surnommée les jardins du Québec tant on y produit de légumes, des producteurs maraîchers y ont goûté. Mercredi, de 17h30 à 18h, des grêlons de la taille de balles de golf ont tout détruit au sol pendant que soufflaient des rafales de 130 km/h.

«On a rarement vu quelque chose d'aussi violent et d'aussi étendu, a affirmé la directrice régionale de la Financière agricole du Québec pour la Montérégie Ouest, Jany Ménard. Plusieurs fermes ont subi des pertes totales, d'autres auront besoin de traitements de protection pour sauver leur récolte.»

Le ministre Corbeil sur place

Cinq municipalités sont particulièrement touchées: celles de Saint-Rémi, Sherrington, Sainte-Clotilde, Saint-Michel et Hemmingford. Les villages de Saint-Isidore et Saint-Urbain ont aussi été victimes du mauvais temps.

«Les productions touchées sont très variées, a dit le ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil, sur place pour constater les dégâts. Il faudra donc ajuster nos mesures selon les cas. Nous allons regarder tous les outils que nous avons à notre disposition pour aider les gens touchés.»

S'il est trop tôt pour évaluer avec exactitude le nombre de fermes touchées et la valeur des pertes, on sait que les chiffres dépassent tout ce que la région a déjà vu. «On parle de beaucoup de millions», a indiqué le député libéral de Huntingdon, Stéphane Billette.

Hier en après-midi, 25 agriculteurs avaient pris contact avec la Financière agricole pour des réclamations. Comme seulement les deux tiers des producteurs maraîchers détiennent des assurances, certains perdront beaucoup. Parmi les récoltes gâchées, on parle de céleris, de laitues, de pommes de terre, de radis, d'oignons, d'échalotes et d'autres légumes de saison.

Pénuries de légumes

«Il risque d'y avoir certaines contraintes sur le plan de l'approvisionnement dans des épiceries», a convenu le ministre Corbeil. «C'est sûr qu'il va y avoir pénurie», a confirmé le député Stéphane Billette, lui-même agriculteur de carrière. «Est-ce que les prix vont augmenter? s'est-il interrogé. Est-ce qu'on devra importer des États-Unis? Ça reste à voir. Mais les gens vont sûrement le remarquer au supermarché.»

Un producteur qui devait livrer l'équivalent de deux camions 18 roues remplis de laitues dans des épiceries, hier, a par exemple vu sa récolte disparaître moins de 24 heures avant la livraison. «Les clients devront acheter autre chose», dit M. Billette.

Le goût de déménager

De simples citoyens déplorent aussi des dommages liés à la tempête. «Notre gazebo a chaviré, a indiqué Richard Boudreau, de Saint-Urbain, comme s'il parlait d'une simple chaloupe. On est chanceux que notre maison n'ait rien.» Sur son terrain, sa femme et lui brûlaient hier les nombreuses branches que les vents avaient arrachées.

Quelques centaines de mètres plus loin, sur le rang Saint-Régis, Éric s'est retrouvé avec un très grand conifère, presque entièrement déraciné, reposant sur... l'avant de sa maison. À l'arrière? La remise a bougé de trois mètres, la terrasse fraîchement construite est à refaire.

«Ç'a été fou, tout revolait pendant 10 minutes, a raconté le sinistré. Je suis menuisier, et j'étais sûr que des bouts de la maison allaient être arrachés, que les fenêtres partiraient, tellement c'était une grosse tempête. C'est la deuxième fois que ça arrive. Ça commence à me donner le goût de déménager.»

________________________________

Une microrafale

C'est une microrafale particulièrement violente et étendue qui a causé les dommages en Montérégie, selon Environnement Canada. Dans l'épicentre, qui a durement frappé le secteur de Saint-Rémi, les vents ont atteint les 130 km/h, et jeté au sol des arbres vieux de 200 ans. De la grêle est tombée sur des kilomètres. «La taille des grêlons allait d'un diamètre de deux centimètres à aussi gros qu'une balle de golf», explique la porte-parole Rebecca Schneider. Les villages avoisinants, qui ont aussi subi d'importants dégâts, ont pour leur part été le théâtre d'orages violents, également accompagnés de forte grêle.

_______________________________

Aide financière

Rare bonne nouvelle pour les sinistrés: un programme d'aide financière a été annoncé hier par le gouvernement. Il s'agit d'une aide de dernier recours, pour certains dommages aux biens essentiels qui ne peuvent être couverts par une assurance, dont peuvent se prévaloir des citoyens de Mercier, Saint-Isidore, Saint-Michel, Saint-Patrice-de-Sherrington, Saint-Rémi, Saint-Urbain et Sainte-Clotilde.

«Quand survient un sinistre, la priorité de notre gouvernement est de s'assurer qu'aucune vie humaine n'est en danger et de limiter les dommages matériels, a indiqué le ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil, dans un communiqué. Nous souhaitons également que le retour à la vie normale de celles et de ceux qui sont touchés par ce sinistre s'effectue le plus tôt possible et que l'aide disponible grâce à ce programme représente un souci de moins pour eux.» - Marie Allard