Le milieu agricole de Mirabel accuse le maire Hubert Meilleur d'utiliser un projet de gare de train de banlieue pour justifier un empiètement de grande envergure dans la zone verte de l'ancienne paroisse de Saint-Janvier, à proximité de la route 117.

Après trois refus consécutifs de la Commission de protection du territoire agricole et du Tribunal administratif du Québec, la Ville de Mirabel s'est prévalue avec succès d'une clause qui lui permet d'étendre le périmètre urbanisé en bordure d'une rue qui était déjà desservie par un réseau municipal, avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection du territoire agricole.

L'article 105 de la Loi est généralement utilisé pour compléter une construction en cours ou pour implanter des services publics. Dans le cas de Mirabel, dénonce le président du syndicat de l'Union des producteurs agricoles (UPA) de Sainte-Scholastique-Mirabel, Réal Proulx, «ça va être la première fois que c'est utilisé pour construire un stationnement».

Deux producteurs ont ainsi reçu un avis de réserve foncière pour une partie de leur propriété, en vue de l'expropriation d'une bande de terrain de 120 mètres de largeur et de plus de 260 mètres de longueur pour la construction d'une gare de train de banlieue et d'un stationnement de 400 places, en bordure de la rue Victor. Ces expropriations totalisent plus de 31 000 mètres carrés de terrain.

Un des producteurs expropriés, André Lapointe, a affirmé à La Presse qu'en plus de le priver de six arpents de terre de première qualité, la présence de cette gare touchera aussi durement ses activités et celles d'autres producteurs si Mirabel va de l'avant avec le projet d'inclure une garderie dans l'espace de la nouvelle gare.

«Ça deviendrait un immeuble protégé, et en vertu des règles environnementales, on ne peut pas épandre de fumier dans un périmètre de 300 mètres autour de la gare. Ça veut dire que je n'aurais plus d'espace pour faire de l'épandage parce que le règlement m'oblige à disposer d'un hectare par tête de bétail. Dans la situation actuelle, mon troupeau devrait être réduit d'au moins trois bêtes», explique ce producteur laitier de troisième génération, propriétaire de 85 vaches.

Solutions de rechange non envisageables

Joint par La Presse, le maire de Mirabel a confirmé avoir reçu un avis de conformité de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) relativement au projet de gare, en bordure de la rue Victor, dans la zone agricole. Le maire a assuré que les emplacements proposés par l'UPA en bordure de la rue Charles, dans la zone urbanisée de Saint-Janvier, ne sont pas envisageables.

Selon lui, la construction de la gare serait difficile en raison du cadre déjà bâti, et le stationnement aurait un nombre de places très limité. Interrogé pour savoir s'il est nécessaire d'acquérir 30 000 mètres carrés de terrain pour les 400 places de stationnement prévues, M. Meilleur a indiqué que les superficies expropriées visent surtout «à préserver l'avenir». Selon lui, le stationnement pourrait s'étendre jusqu'à 800 places dans une deuxième phase.

Quant au projet de garderie, qui était prévu dans le projet original de la gare, il pourrait être de nouveau mis de l'avant si un promoteur se montre intéressé.

«Le maire Meilleur n'a jamais voulu du train de banlieue quand le projet de gare se situait en zone urbanisée, dénonce Réal Proulx, de l'UPA. Il s'y intéresse maintenant parce que cela lui permet de faire une brèche dans un secteur protégé. Dans quelques années, la Ville de Mirabel va invoquer le fait que le milieu agricole est déstructuré, autour de la gare, pour justifier d'autres empiètements pour étendre le développement. À Mirabel, c'est une bataille constante.»

S'il n'en tient qu'au maire Meilleur, la gare sera en service dès septembre 2012 et le train de banlieue de Blainville-Saint-Jérôme s'arrêtera enfin à Saint-Janvier, après avoir traversé sa ville sans s'arrêter depuis 2006. L'Agence métropolitaine de transport, maître d'oeuvre du projet de gare et de stationnement, devra toutefois mener de nouvelles études sur les chemins d'accès au lieu choisi par la municipalité. Le plan d'immobilisations de l'agence provinciale prévoyait des sommes de 5 millions pour la gare de Mirabel.