The Gruen Transfer, émission de télé australienne sur le monde de la publicité, demande régulièrement à des agences de marketing de «vendre l'invendable» en imaginant une campagne fictive sous le signe de l'humour.

Dernièrement, le défi était de taille. «Une petite ville au Canada a d'énormes problèmes à attirer des touristes, a expliqué l'animateur. Personne ne veut y aller parce que le nom de la ville est... Asbestos.» Éclats de rire sur le plateau.

Dans la publicité d'un participant, des pancartes de villes aux noms improbables défilent les unes après les autres: Accident, Anus, Dildo (vibrateur), Boring (ennuyant) et, enfin, Asbestos (amiante). Le tout se conclut par un slogan: «Ne laissez pas notre nom vous décourager. Asbestos. Mauvais nom. Super destination.»*

Que la ville minière québécoise soit tournée en dérision à l'autre bout de la planète n'a rien pour étonner Pierrette Théroux, présidente de la société d'histoire d'Asbestos. Elle se souvient encore du jour où son mari et elle ont été présentés à un directeur d'école, en France, dans les années 80. Il leur avait tendu une main hésitante en bredouillant: «Ah, c'est vous les Amiantoses...»

Sans s'en douter, les Australiens ont touché une corde sensible. Il y a quelques années, les citoyens d'Asbestos ont tenu des débats houleux sur la possibilité de changer le nom de leur ville, qui évoque le cancer et les recours collectifs partout en Occident.

À l'époque, le désamiantage de la toponymie s'amorçait à Thetford Mines. Là-bas, on ne parle plus du pays de l'Amiante, mais de la MRC des Appalaches. Les écoles, l'hôpital et divers organismes ont laissé tomber ce vocable maudit.

Asbestos a résisté. En 2008, un sondage a montré que 82% des citoyens tenaient à conserver le nom de leur ville. «C'est notre histoire, notre fierté. Je suis très à l'aise avec ce nom», dit le maire Hugues Grimard.

Contrairement à Thetford Mines, qui a mieux su diversifier son économie, Asbestos demeure une ville monoindustrielle. «Après la mine, le plus important employeur de la ville est le supermarché Metro. Sans elle, il ne reste plus grand-chose. On y est lié, qu'on le veuille ou non», constate le journaliste local Yvan Provencher.

Selon le sondage, 69% des citoyens jugent que l'amiante chrysotile a encore un avenir à Asbestos. Tous ne jurent que par le projet de relance de la mine Jeffrey, qui permettrait d'extraire des millions de tonnes de cet «or blanc» pour les 25 prochaines années. Et qui créerait 500 précieux emplois dans la ville en déclin.

«On n'a pas le choix, on n'a rien d'autre, dit Mme Théroux. Il ne faut pas rêver en couleur, on ne vit pas d'amour et d'eau fraîche.»