Les Mohawks de Kanesatake et la Ville d'Oka sont d'accord: l'entreprise Norfolk, qui possède des terrains juste en face de la pinède d'Oka, fait de la pure provocation en menaçant de les lotir.

Luc Côté, coordonnateur de Norfolk, a convoqué mercredi une conférence de presse pour servir un ultimatum au gouvernement fédéral. Si rien ne se passe d'ici au 30 juillet, l'entreprise enverra un ingénieur forestier sur les terrains pour déterminer quels arbres sont malades et devraient être abattus.

«On n'attendra pas 20 ans, ça, c'est sûr. On avance», a-t-il lancé.

Les terrains, qui couvrent 1,2 hectare le long de la route 344, ont été acquis par un certain Normand Ducharme et son fils, qui dirigent l'entreprise Norfolk. Ils les ont obtenus en février 2009 d'un couple qui avait fait faillite. L'idée, c'était de lotir les terrains et de vendre les parcelles à des promoteurs immobiliers ou à des particuliers. Depuis lors, les dirigeants de Norfolk disent qu'Oka leur refuse permis sur permis.

Normand Ducharme n'était pas à la conférence de presse - il donne carte blanche à son coordonnateur, M. Côté. Joint par téléphone, M. Ducharme a dit à La Presse qu'il exerce ses droits sur des terrains qui lui appartiennent. «Si on me dit maintenant qu'ils ne m'appartiennent pas, qu'on me les rachète ou qu'on m'exproprie.»

M. Ducharme ajoute qu'il est à la tête d'une petite entreprise, qu'il paie ses taxes à la Ville d'Oka et qu'il ne peut plus supporter son hypothèque sans exploiter ses terrains.

Ce n'est qu'après avoir acheté les terrains, a-t-il indiqué, qu'il a su que le gouvernement fédéral reconnaissait qu'il y avait lieu d'entreprendre des négociations avec les Mohawks concernant la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes. «Moi, je ne suis pas historien, mais là, le fédéral a l'air de dire que ces terrains ont été usurpés (aux Mohawks).»

Que répondrait-il à des gens qui lui diraient que ce n'était pas l'idée du siècle d'acheter des terrains avec vue sur la pinède d'Oka? À cela, M. Ducharme réplique qu'il avait fait ses devoirs, qu'il s'était assuré de les acquérir en toute légitimité. Il a ajouté que, à ce compte-là, des milliers d'autres Québécois se retrouvent dans la même situation que lui puisque les autochtones réclament plusieurs hectares de terres au Québec.

Pas de rachat

Au ministère des Affaires indiennes, la porte-parole Geneviève Guibert précise qu'Ottawa a accueilli la revendication des Mohawks de Kanesatake en avril 2008 (donc avant l'achat des terrains par Norfolk).

Mme Guibert ajoute qu'il est hors de question qu'Ottawa rachète ces terres à Norfolk. «Le gouvernement n'achète pas des terres de tierces parties pour régler une revendication particulière», a-t-elle dit.

Si les Mohawks obtenaient gain de cause, la seigneurie ne leur serait pas restituée. Ils obtiendraient plutôt une compensation financière, indique Mme Guibert.

Autrement dit, fait valoir M. Ducharme, c'est le cul-de-sac pour lui: les Mohawks obtiendront au mieux de l'argent, puis ils pourront continuer de s'opposer à ce qu'il exploite ses terrains.

Une rencontre officielle entre le représentant fédéral et le grand chef de Kanesatake est prévue au mois d'août.

À la suite de la sortie publique de Norfolk, mercredi, le grand chef Sohenrise Paul Nicholas a déclaré: «Ces terres sont les nôtres et nous les protégerons de toute violation.»

Sur le fond, le conseil des Mohawks de Kanesatake demeure convaincu que Québec, Ottawa et Oka leur restitueront la seigneurie.

À l'instar du grand chef Nicholas, Richard Lalonde, maire d'Oka, croit que Norfolk fait de la provocation. Il nie par ailleurs que la municipalité ait refusé un permis d'abattage d'arbres, comme l'a dit M. Côté en conférence de presse. «Aucune demande de permis ne nous a été acheminée pour abattre des arbres», a-t-il dit.