Si rien n'est fait pour indemniser les médecins pour l'achat de matériel médical, l'abolition de certains frais accessoires risque de priver des patients de soins, en plus d'allonger les listes d'attente dans les hôpitaux, préviennent les fédérations de médecins. Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, menace de régler la question devant les tribunaux si le ministre de la Santé ne corrige pas le tir en ajustant les tarifs des médecins.

Lundi, le Dr Réjean Hébert a annoncé son intention d'abolir certains frais accessoires qui permettent aux médecins d'exiger des sommes exorbitantes pour des médicaments qu'ils offrent. Le ministre veut ainsi stopper des scénarios où des patients ont par exemple été contraints de débourser 200$ pour des gouttes ophtalmologiques qui en valent 15$.

Puisque les médicaments donnés en clinique sont déjà remboursés pour les patients traités dans les hôpitaux, le ministre propose de les inclure d'ici la fin de l'année au registre public d'assurance médicaments. Des ententes conclues entre Québec et les fédérations de médecins dans les années 70 permettent aux médecins qui pratiquent en cabinet de demander une «compensation» pour le coût des médicaments et des agents anesthésiants qu'ils utilisent. Or, aucune somme maximale n'a été établie.

Avec l'arrivée d'appareils médicaux à la fine pointe de la technologie, certaines interventions historiquement pratiquées dans les hôpitaux peuvent maintenant être faites en clinique, ce qui permet de réduire les listes d'attente. C'est particulièrement le cas pour les colonoscopies et des interventions en ophtalmologie. Mais les équipements nécessaires à la réalisation de telles interventions coûtent cher.

Puisque leurs honoraires sont les mêmes qu'ils pratiquent en clinique ou dans un hôpital, certains médecins ont trouvé une façon indirecte de financer leur matériel: les frais accessoires.

«Je pense que le ministre agit sciemment. Il veut fermer la porte aux actes en clinique pour les retourner à l'hôpital, a expliqué le Dr Gaétan Barrette. Au bout du compte, c'est le patient qui est pris en otage. On lui dit: retourne sur une liste d'attente, à l'hôpital.»

N'empêche, le Dr Barette concède qu'il est temps de faire le ménage dans les frais accessoires. «Ça fait des années qu'on demande au gouvernement de clarifier la question... Le ministre ne peut pas tout régler avec cette manoeuvre.»

S'il ne veut pas allonger les listes d'attente, le ministre devra augmenter les tarifs versés pour ces actes médicaux en considérant l'achat d'équipements nécessaires à leur réalisation, affirme le Dr Barrette.

Le président de la Fédération des omnipraticiens du Québec, le Dr Louis Godin, abonde dans le même sens. «Sinon, la conséquence sera que les médecins vont arrêter d'offrir ces services-là. On est d'accord pour faire le ménage dans le dossier des frais accessoires, mais il faut qu'ils se rendent jusqu'au bout de l'exercice sans se contenter d'une mesure à la pièce.»

Le ministre Hébert n'a pas encore réagi aux demandes des fédérations.