La direction de santé publique de Montréal, qui devait présenter hier son «plan de démarrage» en vue d'ouvrir cinq services d'injection supervisée (SIS) a reporté le dépôt du projet à une date indéterminée. Elle affirme que la préparation de sa demande d'autorisation au gouvernement fédéral s'avère beaucoup plus complexe que prévu. Il faut dire que personne n'a encore testé le jugement de la Cour suprême qui a reconnu l'an dernier la légalité de tels lieux, mais en fonction de critères très stricts.

La Direction de santé publique prépare actuellement un document de plus de 150 pages qui sera envoyé au gouvernement fédéral. De 50% à 75% du travail est fait, a indiqué hier la Dre Carole Morissette, responsable de la coordination du dossier SIS à la direction de santé publique de Montréal. Or, le plan de démarrage, qui comprend le budget et les plans d'aménagement des centres, devait initialement être approuvé hier soir par le conseil d'administration de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal.

«Il y a beaucoup plus de travail que prévu, a expliqué la Dre Morissette. Mais nous voulons le faire avec sérieux et tout mettre en oeuvre pour obtenir l'approbation du fédéral.»

Les SIS permettent aux toxicomanes de s'injecter des drogues qu'ils apportent sous la supervision de personnel qualifié, avec du matériel sûr et hygiénique. Pour permettre la possession de drogues illégales entre ses murs, un centre d'injection supervisée doit obtenir du ministre canadien de la Santé une exemption à la Loi sur les drogues. Jusqu'à maintenant, les seuls lieux qui ont reçu une dérogation l'ont obtenue à des fins de recherche scientifique. C'est notamment le cas de la clinique Insite, qui a ouvert ses portes en 2003 à Vancouver et qui prépare actuellement une nouvelle demande d'exemption.

À leur arrivée au pouvoir, les conservateurs ont indiqué qu'ils refuseraient de renouveler l'exemption d'Insite. Après une longue bataille judiciaire, le plus haut tribunal du pays a tranché, en septembre 2011, que la fermeture contreviendrait à la Charte des droits et libertés. La décision précisait par ailleurs que le gouvernement devait désormais accorder les dérogations à condition que le projet respecte cinq critères: «l'acceptabilité sociale», la preuve que le taux de criminalité chutera, la preuve qu'il existe un besoin pour le service, la mise sur pied d'une structure réglementaire pour assurer la qualité et la sécurité du service et la réalisation de protocoles de soins précis.

La Dre Morisette affirme qu'il est beaucoup plus long que prévu de répondre de manière étayée à tous ces critères.

Cinq services à Montréal

La direction de santé publique de Montréal a annoncé deux mois après la publication du jugement sur Insite qu'elle souhaitait aussi ouvrir des SIS.

Le plan prévoit d'abord l'ouverture de services à l'intérieur d'établissements de santé, soit au centre Dollard-Cormier - qui offre déjà des services d'urgence pour les toxicomanes et un centre de désintoxication - et au CLSC d'Hochelaga-Maisonneuve, qui abrite les locaux de l'organisme communautaire Dopamine.

Si l'expérience s'avère positive, le CSSS Jeanne-Mance chapeautera, de quatre à six mois plus tard, l'ouverture de deux autres centres, aux organismes Cactus et Spectre de rue. Une unité mobile sera aussi mise sur pied, notamment pour desservir les secteurs de Verdun et du Sud-Ouest.

Le coût s'élèverait à environ 2 millions par année.

Ouverture du côté péquiste

Le nouveau gouvernement péquiste est «ouvert» aux SIS, a indiqué hier Marie-Joëlle Carbonneau, attachée de presse de la ministre déléguée aux services sociaux, Véronique Hivon. Elle affirme que, une fois le projet déposé par l'Agence, une analyse rigoureuse sera faite par le ministère de la Santé et des Services sociaux, en partenariat avec les ministères de la Sécurité publique et de la Justice. «Une fois l'analyse terminée, une décision sera prise. C'est à la suite de l'approbation du projet qu'une exemption sera demandée au fédéral», a-t-elle précisé.