François Legault et Jean Charest restent sceptiques face aux taux de cancers infantiles élevés autour de la centrale nucléaire Gentilly-2. Ce taux dépasse de 27% la moyenne québécoise, selon ce que rapporte le documentaire engagé Gentilly or Not to be.

Télé-Québec diffusera ce documentaire après l'élection, le 17 septembre. Ces chiffres proviennent de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec (résumé de l'étude).

«Je ne crois pas pour l'instant à ce documentaire. Les spécialistes et les scientifiques que j'ai consultés me disent exactement le contraire. Maintenant, attendons d'avoir les études. Nous, on n'est pas dogmatique comme le Parti québécois qui a pris la décision (de fermer la centrale) avant d'avoir les études», a affirmé le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, ce matin à Saint-Ferdinand.   

«Les gens que j'ai consultés me disent que rien n'est prouvé. Il n'y a aucune relation directe entre la centrale et les problèmes de santé des gens», a-t-il ajouté. Il promet que la CAQ ne ferait «pas de compromis, ni sur la sécurité, ni sur l'environnement.»

Jean Charest a pour sa part affirmé qu'il ne détient aucune information selon laquelle la centrale n'est pas sécuritaire ou menace la santé publique. «À ce jour, il n'y a personne qui a relevé une situation qui pourrait nous amener à s'interroger là-dessus», a-t-il affirmé lors d'un passage à Saguenay.

Le chef libéral a également démenti les propos que tient dans le documentaire son ancien ministre de l'Environnement et aujourd'hui chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Muclair. Ce dernier soutient que la centrale ferait partie d'un «plan bien arrêté» pour faire du Québec la «poubelle» nucléaire du Canada.

«C'est arrangé avec le gars des vues! dénonce-t-il dans le documentaire. Il n'y a aucune justification possible (à relancer Gentilly 2) autre que le fait qu'on cherche à utiliser le Québec comme poubelle ultime pour les déchets (nucléaires) de l'ensemble du Canada.»

M. Charest a affirmé sans détour que cette affirmation est fausse: «Non, jamais.»

L'entourage du chef libéral souligne qu'en 2008, l'Assemblée nationale a adopté une motion qui interdit «l'enfouissement de déchets et de combustibles irradiés provenant de l'extérieur du Québec». La motion a été adoptée sans débat.



La Presse a invité M. Mulcair à expliquer ses propos, mais celui-ci a refusé de commenter l'affaire.

«M. Mulcair a été interviewé pour ce film il y a deux ans, a affirmé par courriel son attaché de presse, Georges Smith. Je peux vous confirmer que ses propos à l'époque continuent de refléter sa pensée sur le sujet.»



Un réacteur à arrêter d'ici 2013



Gentilly-2 fournit environ 3% de l'électricité québécoise. La fin de la durée de vie de ses réacteurs est prévue pour l'été 2013. La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) demande à Hydro-Québec de mettre le réacteur en arrêt d'ici le 31 décembre 2012. Il faudra alors choisir entre la réfection, pour relancer la centrale durant un autre 25 ans. Ou son déclassement -une longue opération qui mènera à sa fermeture.

Le projet de réfection avait été lancé en 2008. Mais il est censé être sur la glace. Le gouvernement Charest veut attendre deux rapports. La CAQ reprend cette position. Le premier rapport vient de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), qui réévaluera les risques à la suite de la catastrophe à Fukushima, l'année dernière au Japon. Sa publication a été reportée à plusieurs reprises.

L'autre rapport vient d'Hydro-Québec. Il exposera les coûts de la réfection. Pour la centrale jumelle de Gentilly-2, celle de Point Lepreau au Nouveau-Brunswick, les dépassements de coûts ont été de 50%. Cela équivaut à plus d'un milliard $. Les retards ont dépassé trois ans.

Cet hiver, La Presse révélait que les dépassements de coûts sont déjà importants à Gentilly-2. Les coûts dépassent 3 milliards $, c'est-à-dire environ le double de l'estimé initial en 2008. Plus 800 millions $ ont déjà été engagés pour la réfection.

Un projet majeur



Quelque 800 emplois sont en jeu. La Chambre de commerce de la région s'est mobilisée pour faire pression sur les politiciens.

Le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, a d'ailleurs souligné l'importance de cette centrale, vendredi, lorsque la caravane libérale s'est arrêtée dans sa ville.

«Quand on a un projet comme celui-là, où il y a eu un rassemblement de tous les gens de la région, de toutes les chambres de commerce, c'est un enjeu majeur au niveau de la région, a-t-il déclaré. On parle de 130 millions en retombées économiques de façon annuelle.»

Le Parti québécois, Option nationale et Québec solidaire veulent fermer la centrale. Ils promettent de compenser la région avec un fonds pour diversifier son économie. Ils ajoutent que le déclassement, qui durera plusieurs années, permettra de maintenir des emplois. Le déclassement coûtera environ 1,5 milliard $. C'est un coût qui serait reporté, mais qui devrait néanmoins être payé plus tard si on faisait la réfection de la centrale.

«Dire que vous allez faire du nucléaire pour 800 emplois, c'est totalement absurde. Hydro-Québec, le gouvernement du Québec, les grandes sociétés d'ingénieurs et l'industrie nucléaire travaillent avec des ressources inimaginables pour s'assurer qu'il n'y ait même pas de débat public», soutient M. Mulcair dans le documentaire.

Préjugé favorable



Tout en disant attendre ces rapports, le PLQ et la CAQ ont déjà clairement indiqué leur «préjugé favorable» pour la réfection.

«Si c'est possible de le faire, ce serait souhaitable, car on a besoin de formes d'énergies additionnelles», a avancé ce matin M. Legault. Jeudi, il a affirmé que la fermeture de Gentilly-2 serait «irresponsable».

Pour les risques de dépassement de coûts, M. Legault se dit «inquiet». «Ça doit être démontré que c'est économiquement rentable. La chance qu'on a, c'est qu'il y a une usine jumelle qui a été rénovée dans les Maritimes. C'est possible de partir de cet exemple pour avoir des chiffres qui sont plus précis», a-t-il avancé.