En 2010, l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments des États-Unis (ISMP) a demandé à 1800 professionnels de la santé de commenter la pénurie de médicaments. Celle-ci avait occasionné en un an plus de 1000 effets secondaires négatifs ou erreurs médicales. Dans certains cas, des morts avaient été évitées de peu.

L'impact clinique des pénuries de médicaments est mal connu. La seule autre évaluation des conséquences de ces pénuries, faite l'automne dernier par l'agence Associated Press, faisait état d'«au moins 15 morts en 15 mois» aux États-Unis.

«C'est un problème trop récent pour qu'on puisse le quantifier en terme de morts et de séjours trop longs à l'hôpital», explique Enrique Seoane-Vazquez, directeur du Centre international sur les politiques et l'économie pharmaceutique à Boston, qui a publié l'an dernier une étude sur la proportion des médicaments en pénurie aux États-Unis. «La tâche est difficile parce qu'il faut aussi tenir compte des délais et du temps perdu à chercher des remplacements. C'est autant de temps qu'on ne consacre pas aux soins.»

Les données canadiennes sont encore plus rares. L'antenne canadienne de l'ISMP n'a pas de données. La Société canadienne du cancer ne peut même pas indiquer s'il y a un problème particulier en oncologie, un secteur particulièrement touché par les pénuries aux États-Unis. L'étude américaine de l'ISMP permet de penser que les pénuries au Québec causent plus de 1100 cas d'effets secondaires négatifs ou d'erreurs médicales par année. Le nombre de médicaments touchés chaque année par des pénuries est similaire (plus de 200) et l'échantillon de l'ISMP comportait 1200 pharmaciens en établissement - il y en a 1400 au Québec.

Quant au coût des pénuries, il atteint probablement 1,25% du budget des hôpitaux, selon une analyse préliminaire d'Erin Fox, une pharmacienne à l'Université de l'Utah qui a cosigné avec M. Seoane-Vazquez l'étude de 2011 sur l'ampleur des pénuries de médicaments. Pour un hôpital de la taille du CHUM, cela correspond environ à 10 millions de dollars par année.

Selon M. Seoane-Vazquez, le problème est similaire au Canada, mais moindre en Europe. «En Europe, chaque pays a voulu garder ses propres compagnies pharmaceutiques génériques pour garantir l'approvisionnement, dit-il. C'est moins efficace, les médicaments sont probablement trop chers à cause de ça, mais au moins il n'y a pas de pénurie.»