La pandémie de grippe A (H1N1) a porté un dur coup au lien de confiance déjà fragilisé entre les établissements de santé et le gouvernement du Québec. Plusieurs établissements craignent en outre de devoir absorber des factures liées à la pandémie dépassant le cap du million, démontre un sondage mené par l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), que La Presse a obtenu.

Les dirigeants des établissements demandent au ministre de la Santé, Yves Bolduc, de s'engager «clairement» à rembourser les coûts astronomiques engendrés par la pandémie, estimés à au moins 200 millions de dollars. Ils préviennent que, à défaut, ils devront produire un budget déficitaire au printemps. Les dirigeants avaient jusqu'au 31 janvier pour remettre leur bilan financier de la pandémie au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Les établissements à qui la pandémie a coûté le plus cher sont ceux de Montréal, notamment les CSSS Jeanne-Mance et Lucille-Teasdale, qui ont aménagé des centres de vaccination de masse au Stade olympique et au Palais des congrès. Par exemple, la clinique au Palais des congrès a coûté 142 897 $ pour la sécurité, la surveillance, les vestiaires, l'entretien, les services électriques, la plomberie et les services de communication. Celle du Stade olympique a coûté 258 000$.

Au-delà des coûts engendrés, les établissements et hôpitaux reprochent surtout au Ministère sa gestion des communications durant la deuxième vague de la pandémie. Ils déplorent notamment que le gouvernement ait choisi de tenir des conférences de presse nationales au lieu d'informer directement les établissements.

Dans certains cas, peut-on lire dans le sondage mené auprès de 135 établissements et hôpitaux, la mauvaise gestion des communications a «nui à la mobilisation du personnel de santé, qui a été forcé de faire face à une clientèle mécontente».

La directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis, rappelle qu'il y a aussi eu une certaine confusion dans les instructions données par le gouvernement au début de la deuxième vague. Au premier chef, les dirigeants des établissements dénoncent donc l'approche «unilatérale» du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui aurait dû selon eux leur donner «davantage de latitude quant à la manière de gérer les opérations selon les régions».

«Les établissements de santé apprenaient bien souvent par les médias ce qui se passait, explique Mme Denis. La santé publique a dit : "On commence par telle clientèle", ce qui est normal, mais le lendemain on entendait dire que la vaccination était ouverte à tout le monde. Puis le surlendemain, on entendait dire qu'il y avait une pénurie de doses. Ça s'est replacé par la suite, mais le gouvernement doit apprendre à ouvrir ses canaux de communication lors d'une opération de cette envergure.»

Les coupons champions

Le tableau que brossent les dirigeants de la santé comporte par ailleurs des aspects positifs, qui devraient selon eux être réutilisés ou instaurés de façon permanente. C'est le cas des restrictions apportées aux heures de visite dans les hôpitaux pour réduire les risques de propagation du virus, qu'on voudrait pouvoir ramener en cas de besoins.

On s'entend aussi pour dire que les sites de vaccination massive, de même que le système de coupons et les prises de rendez-vous, devraient être maintenus dans les périodes où l'influenza atteint son pic saisonnier. Les bons commentaires fusent également à l'égard des cliniques de grippe.

D'ici à deux semaines, le ministre de la Santé devrait tracer publiquement le bilan financier de la pandémie et faire part des ses engagements. Entre-temps, la pandémie sera au centre des discussions au colloque de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, prévu vendredi à Montréal, qui rassemblera des professionnels des grands établissements de santé.