Si le Canada ne revoit pas sa façon de gérer les risques liés à l'alimentation, il faut s'attendre à voir les épisodes de contamination se multiplier, estime le microbiologiste Richard Holley, de l'Université du Manitoba.

Le Canada fait piètre figure au chapitre de la prévention et de la gestion de risques, surtout si on le compare à certains pays européens, à l'Australie et même aux États-Unis où il y a pourtant de multiples épisodes d'empoisonnements alimentaires.

«On entend souvent dire qu'il faut augmenter le nombre d'inspections des aliments, explique scientifique. C'est faux: il faut mettre en place des inspections d'une manière plus réfléchie et plus efficace.» Le Dr Holley signe une analyse dans l'édition du Journal de l'Association médicale canadienne d'aujourd'hui. On estime qu'il y a 11 millions de cas de contamination alimentaire, chaque année, au pays. Selon lui, le système canadien ne s'intéresse qu'aux épidémies, alors que 90% des cas d'empoisonnement sont des cas isolés.

Il n'y a pas de programme national de surveillance des toxi-infections. Pourtant, en investiguant ces cas, on pourrait arriver à comprendre la source de l'empoisonnement et ainsi mieux prévenir d'autres cas. Il faudrait alors faire du monitoring auprès des médecins qui traitent les patients. Ce sont les premiers témoins des cas de toxi-infections, dit le spécialiste. Si on connaissait mieux les causes de ces maladies, on pourrait monter un système de surveillance basé sur la gestion des risques plus efficace, car on saurait par où commencer.

Mais le Canada doit composer avec un énorme handicap: tous les niveaux de gouvernements sont impliqués dans l'inspection alimentaire et la surveillance des toxi-infections. La coordination de leurs actions est déficiente, affirme Richard Holley. Ce manque de collaboration et de coordination entre les différents paliers de gouvernements impliqués en santé et en alimentation a été éloquemment illustré lors de la crise de la listériose de 2008.

Richard Holley croit également que le pays devrait se doter d'une base de données qui lui est propre pour guider ses interventions. « Nous utilisons présentement des données qui viennent des États-Unis ou de l'Europe pour mettre en place notre système de surveillance, dit-il. Mais notre climat est différent et nous ne mangeons pas la même chose que les Américains ou les Européens. Nous avons plus de cas de E. coli 0157:H7 qu'ailleurs? Pourquoi? On n'est pas vraiment sûr.»

Pour remédier à la situation, le microbiologiste recommande au gouvernement fédéral de développer un système de surveillance permanent qui s'assurerait que les différentes agences impliquées partageraient l'information et posent des gestes en harmonie les unes avec les autres.