La menace d'une pandémie de grippe A (H1N1) - et surtout la vaccination massive qui se mettra en branle cet automne - suscite une suspicion et des questionnements grandissants.

Certains crient à la théorie du complot. D'autres multiplient les mises en garde alarmistes dans les boîtes de courriel. À les croire, c'est une pandémie inventée par les compagnies pharmaceutiques pour s'en mettre plein les poches. Le vaccin est dangereux ; il a été volontairement contaminé pour provoquer un génocide de masse. Les gouvernements vont obliger la population à se faire vacciner, à la pointe du fusil s'il le faut.

«Je veux réveiller les gens sur le fait que nous sommes en train d'être manipulés.» Jean-Jacques Crèvecoeur s'est, quant à lui, donné pour mission d'alerter la population québécoise sur les dessous de la grippe A (H1N1) en organisant une quinzaine de conférences dans cinq villes du Québec, dont Montréal, cet automne.

Spécialisé en philosophie et en physique quantique, une branche de la physique moderne, M. Crèvecoeur ne croit pas les discours officiels. Tant l'Organisation mondiale de la santé que les gouvernements et les médias sont à la solde des compagnies pharmaceutiques, dit-il.

Dans ses conférences - il faut débourser 20 $ pour y assister -, il se questionne sur la menace réelle de pandémie et met en doute le bien-fondé des vaccins. Mais il se défend de vouloir faire peur à la population : «Moi, je préviens les gens qu'ils sont en train de se faire avoir.»

Ce qu'il craint par-dessus tout? «Que les gouvernements obligent les gens à se faire vacciner.» Comme plusieurs autres, il est persuadé que c'est ce qui va se produire.

La Loi sur la santé publique du Québec prévoit que le gouvernement peut «ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d'une certaine partie de celle-ci contre la variole ou contre une autre maladie contagieuse menaçant gravement la santé de la population» en cas d'urgence sanitaire.

«C'est un pouvoir qui existe, qu'on s'est donné pour une situation très particulière, où le taux de mortalité serait très élevé, pour la variole par exemple, mais on est très loin de ça. C'est plus théorique que réel», assure pour sa part le directeur de la protection de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda.

Même lorsque le Ministère envisageait un taux d'attaque de 35% de la grippe et prévoyait un taux de mortalité supérieur à ce qu'il est actuellement, il n'a jamais été question d'une vaccination obligatoire.

«Ça demeure une vaccination volontaire, fortement recommandée surtout aux personnes à risque», affirme le Dr Arruda.

Théorie du complot

La grippe A (H1N1) semble un sujet de prédilection pour les adeptes de la théorie du complot. L'un des nombreux documents qui circulent affirme, références à l'appui, qu'une journaliste scientifique autrichienne aurait intenté des recours judiciaires notamment contre l'OMS, qu'elle accuserait de génocide planifié à l'aide de vaccins contaminés.

«Les théories du complot ont toujours été appuyées sur des citations d'apparence scientifique. Pourtant, ça ne repose sur aucune base. Ce sont des experts autoproclamés. Je peux trouver plein de gens qui pensent que la Terre est plate», commente André-A. Lafrance, professeur au département de communication de l'Université de Montréal.

Le dossier de la grippe A (H1N1) est très complexe alors que tout le monde a besoin de simplifier les choses. «Quelle merveilleuse façon de simplifier les choses que de croire qu'il y a un complot !» ajoute-t-il.

Titulaire de la chaire de recherche en relations publiques et communications marketing à l'Université du Québec à Montréal, Bernard Motulsky abonde dans son sens. «Ce n'est pas nouveau comme attitude de penser que des forces occultes gouvernent le monde.»

«L'internet permet à n'importe qui d'émettre à peu près n'importe quelle idée. La force vient du fait que ça se dissémine très rapidement, et plus il y a de gens qui y croient, plus les médias s'en mêlent», déclare M. Motulsky.

Comment faire la part des choses ? Les Sceptiques du Québec affirment qu'il faut se baser sur la méthode scientifique avant tout. Mettre en opposition les experts dans le dossier de la grippe A (H1N1) apporte aussi un éclairage intéressant, souligne le porte-parole, Pierre Cloutier.

«Les gens voient deux experts, mais il y en a un qui représente des milliers de scientifiques, si ce n'est pas des millions, alors que l'autre représente un petit groupe de quelques personnes, mais qui sont très volubiles.»