La pharmacie? Il y a le Jean Coutu, de l'autre côté de la rue, lance l'agent de sécurité posté à l'entrée de l'hôpital. En une phrase, il illustre à quel point la profession de pharmacien en établissement est méconnue.

Pourtant, il existe bel et bien des pharmacies dans les hôpitaux. Le pharmacien est même aux premières loges des soins donnés aux patients.

 

«Souvent, les gens nous voient comme des distributeurs de pilules. Ils ne savent pas toujours qu'on existe. Ils ne savent pas qu'on peut les aider à améliorer leurs soins», raconte Francine Tétrault, pharmacienne aux soins intensifs du CHUM.

Le pharmacien est de plus en plus intégré aux équipes de soins, aux côtés des médecins et des infirmières. Par ses connaissances globales de la pharmacothérapie, il peut notamment prévenir des erreurs dans la prescription ou l'administration de médicaments.

«Le nombre de médicaments a augmenté. Chaque patient prend en moyenne une dizaine de médicaments. Il faut s'assurer que dans la liste d'épicerie, il n'y a pas de mauvaises interactions ou un mauvais dosage», explique le chef du département de pharmacie au CHUM, Denis Bois.

Lorsqu'il est question d'administrer des médicaments, aucune erreur n'est souhaitable. Mais certaines peuvent entraîner des conséquences pires que d'autres.

«Si on donne deux doses de vitamine C, les conséquences sont beaucoup moins graves que si on administre deux doses de morphine. Le patient peut alors cesser de respirer», illustre M. Bois.

Si la présence des pharmaciens est profitable sur les unités de soins, la pénurie oblige toutefois les hôpitaux à faire des choix difficiles.

Impossible de couper les services à la pharmacie centrale. C'est le centre névralgique, là où sont préparés les médicaments destinés aux patients.

Après la distribution, des secteurs comme l'oncologie, les urgences, les soins intensifs et la transplantation sont également cruciaux. Pas question de couper dans ces secteurs.

En oncologie, par exemple, le pharmacien rencontre tous les nouveaux patients. Il discute avec eux du traitement à suivre en vue de leur chimiothérapie. Il est le mieux placé pour connaître l'effet des médicaments complexes qui sont administrés pour lutter contre le cancer.

Le pharmacien discute régulièrement du cas d'un patient avec son collègue en pharmacie privée, souvent moins au fait des dernières connaissances en oncologie.

À l'hôpital, le pharmacien vérifie aussi les analyses des patients pour s'assurer que les médicaments ne causent pas d'interaction. Au CHUM, une ordonnance collective permet aux pharmaciens de prescrire eux-mêmes des anti-nauséeux aux patients.

«Notre rôle est très important parce que si le patient a des effets secondaires notables ou qu'il cesse de prendre ses médicaments, le traitement ne fonctionne pas», explique Jean Morin, coordonnateur des soins pharmaceutiques en oncologie.

Le pharmacien joue aussi un rôle de premier plan aux urgences. Ici, le roulement est constant. Les patients sont nombreux, il y a régulièrement 70 patients couchés sur les civières.

Dans l'idéal, le pharmacien rencontrerait personnellement chacun des patients. Mais comme il doit passer une vingtaine de minutes auprès de chacun deux pour déterminer le profil pharmacologique, c'est impensable.

Il faut déterminer ce qui amène le patient aux urgences et établir son profil pharmacologique. Mais le problème est que le malade est souvent confus, parfois inconscient. Ici aussi, le pharmacien en établissement parle régulièrement avec ses collègues qui pratiquent au privé dans les grandes chaînes.

«C'est le pharmacien communautaire qui a l'information sur le dossier du patient. Quand le patient me dit: Je prends une petite pilule bleue, ce n'est pas suffisant», illustre Lyne Delorme, pharmacienne aux urgences.

Aux urgences, le travail pèse parfois lourd car le débit est rapide. Il faut déterminer des priorités, notamment réviser rapidement les prescriptions pour éviter les risques d'erreur.

Même s'il manque de personnel et que le travail est parfois plus lourd, c'est la passion qui anime ces professionnels. «J'ai le sentiment de participer aux décisions, d'être proactive, dit Mme Delorme. Je n'attends pas juste la prescription.»