Jour après jour, les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) du Québec ne reçoivent que 5,23$ par jour en subventions pour nourrir chacun de leurs aînés. Afin d'améliorer l'alimentation des personnes âgées en institution, le gouvernement de Jean Charest a décidé d'injecter 3 millions de plus par année en 2008. Mais aujourd'hui, plusieurs intervenants estiment que cet investissement est de la poudre aux yeux.

«Ces 3 millions, c'est du gaspillage! C'est encore une façon de faire semblant de s'occuper des personnes âgées! Sur le terrain, on ne voit aucune amélioration», dénonce la présidente du Syndicat professionnel des diététistes et nutritionnistes du Québec, Claudette Péloquin Antoun.

«Les personnes âgées ne voient aucune différence dans leur plateau. Car les 3 millions ne peuvent pas servir à faire des améliorations récurrentes. On ne peut donc pas hausser le budget des aliments dans l'assiette. On doit se contenter de faire des projets spéciaux ponctuels», renchérit le président de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec (OPDQ), Michel Sanscartier.

La ministre déléguée aux Services sociaux, Lise Thériault, explique que les améliorations dans l'alimentation en CHSLD ne sont pas encore visibles, car le gouvernement devait d'abord publier son cadre de référence, publié en juin 2009, avant de lancer des projets. «Dans quelques semaines, on pourra lancer des appels d'offres pour des projets», dit l'attaché de presse de la ministre Thériault, Harold Fortin.

Quand il a présenté son investissement récurrent de 3 millions, le gouvernement a mentionné que l'argent devait surtout servir à offrir de la formation aux employés en CHSLD et à rehausser la nutrition clinique. «Même si on donne des cours aux cuisiniers, ils doivent quand même préparer 3 repas et deux collations par jour avec 5,23 $ par personne ! Avec cette somme, même si on mettait le meilleur chef en ville, il aurait de la difficulté à faire autre chose que du pâté chinois !» note M. Sanscartier.

Quand on sait qu'une petite portion de yogourt individuel coûte 0,75 $, on comprend que plusieurs CHSLD préfèrent les éviter, affirme M. Sanscartier. «À cause des sommes offertes actuellement pour la nourriture, c'est impossible de répondre à 100% des besoins de 100% des nutriments», dit-il.

Normes plus sévères

Professeure au département de nutrition de l'Université Laval, Denise Ouellet ajoute qu'espérer rehausser la nutrition clinique avec seulement 3 millions de dollars est «utopique». Selon elle, on voit encore une fois que la nutrition des personnes âgées «n'est pas une priorité du gouvernement».

Mme Ouellet affirme depuis longtemps que le Québec devrait se doter de normes plus sévères. «Aux États-Unis, le gouvernement doit mesurer l'état nutritionnel des aînés en institution et s'assurer de leur maintien. Pour ce faire, il y a des nutritionnistes dans les établissements! Ici, on n'a rien de ce genre», dit-elle.

M. Fortin réplique que bientôt, «un CHSLD pourra décider d'engager une diététiste pour évaluer les besoins nutritionnels de ses patients», dit-il. M. Fortin reconnaît que les 3 millions «ne régleront pas tous les problèmes tout de suite», mais il ajoute qu'»avant qu'on intervienne, il n'y avait rien pour améliorer l'alimentation en CHSLD».

Perte d'autonomie

Mme Péloquin Antoun croit quant à elle qu'il est temps que le Québec accorde plus d'importance à la nutrition des aînés. Le 10 août, elle a d'ailleurs envoyé une lettre au ministre de la Santé, Yves Bolduc, à ce sujet. Mme Péloquin Antoun explique que la malnutrition des personnes âgées accélère leur perte d'autonomie. «Plusieurs études ont démontré qu'une personne bien nourrie pourra, par exemple, guérir plus vite des plaies de lit, dit-elle. Pour pouvoir offrir des diètes efficaces, il devrait y avoir plus de nutritionnistes dans les CHSLD.»

«Actuellement, il y a environ 65 postes de diététistes à temps complet pour 44 000 patients hébergés en CHSLD au Québec. On veut établir un ratio qui pourrait tourner autour d'un poste à temps complet pour 180 lits», dit M. Sanscartier.