L'agence qui administre les soins de santé à Montréal garantit que, quoi qu'il arrive avec la loi 34, toutes les femmes qui désirent ou doivent subir un avortement pourront le faire dans les délais prescrits.

«On va avoir la capacité d'offrir à toutes les femmes les avortements ou les IVG (interruptions volontaires de grossesse) dans les délais requis», a assuré le président-directeur général de l'Agence de la santé et des services sociaux (ASSS) de Montréal, David Levine, lundi, dans un point de presse.

«Je n'ai absolument aucune inquiétude à ce sujet, a-t-il insisté. On espère être capables de continuer de les offrir dans le privé et dans le public, comme on le fait actuellement.»

Et il n'est pas question que les femmes aient à attendre plus longtemps pour subir une intervention.

«Non, absolument pas, a dit M. Levine. Il faut que les délais restent à l'intérieur de ce qui est médicalement requis. On ne peut pas du tout permettre un changement dans les délais.»

Dans la foulée de la mise en oeuvre de la loi 34, ce sont une centaine d'avortements par semaine qui risquent de ne plus pouvoir être réalisés là où ils le sont présentement. C'est qu'on ignore toujours si les cliniques privées Fémina et Morgentaler obtiendront une accréditation de clinique médicale spécialisée (CMS). La clinique l'Alternative s'est elle-même retirée du processus.

Or, l'ASSS de Montréal a obtenu en un mois l'assurance d'autres cliniques et centres de santé qu'ils augmenteront le nombre d'interruptions de grossesse qu'ils réalisent, si cela s'avère nécessaire. Les trois quarts des besoins nouveaux seraient donc assurément comblés, selon David Levine.

Ce sont la clinique privée L'Envolée, le Centre de santé des femmes, le Centre universitaire de santé McGill et quatre centres de santé et de services sociaux qui ont pour l'instant accepté de réaliser davantage d'interventions.

L'Envolée a déjà sa certification CMS.

Et l'Agence poursuit ses démarches afin d'assurer le maintien de la capacité du réseau. M. Levine a souligné qu'il lui restait encore un mois et demi pour y arriver.

David Levine a par ailleurs indiqué que l'ASSS n'avait reçu aucune plainte concernant les avortements pratiqués dans des cliniques comme l'Alternative, ce qui soulève chez certains bien des questions sur l'opportunité de resserrer les règles.

Le porte-parole du Parti québécois (PQ) en matière de santé, Bernard Drainville, fait partie de ceux qui se questionnent. Il n'a pas du tout apprécié que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, rejette tout assouplissement aux nouvelles normes, en fin de semaine.

«S'il n'annonce pas bientôt des assouplissements à cette loi, des assouplissements qui garantissent le droit des femmes à l'avortement, on va devoir se poser des questions sur les intentions réelles du gouvernement Charest en matière d'avortement, a averti M. Drainville. On va devoir se poser la question: «est-ce qu'ils ont fait adopter (la loi) 34 - on a voté contre, en passant - pour limiter le droit des femmes à l'avortement?» Et s'ils ne font rien, il va falloir en venir à la conclusion que la réponse à cette question, c'est: «oui».

La formation de gauche Québec solidaire a exprimé une position fort semblable à celle du PQ.

«Si le ministre voulait dissuader les femmes de se faire avorter, il ne s'y prendrait pas autrement», a déclaré sa présidente Françoise David.

Le pdg de l'ASSS de Montréal, lui-même un ex-ministre péquiste, a pour sa part refusé de se prononcer sur la nécessité de resserrer à ce point les règles relatives aux cliniques qui pratiquent des interruptions de grossesse.

«Je ne suis pas médecin, a fait valoir M. Levine. Je pense que c'est une question qui regarde le Collège des médecins.»

Par voie de communiqué, lundi soir, le Collège des médecins a rappelé n'avoir jamais demandé que l'interruption volontaire de grossesse figure sur la liste des services pouvant être dispensés dans un centre médical spécialisé.

Par ailleurs, l'organisme estime que les critères appliqués dépassent largement les niveaux de soins requis.

«Les actions prises récemment par le personnel du Ministère auprès de ces centres risquent de compromettre l'accessibilité à ces interventions médicales requises pour des raisons apparemment nobles de sécurité du public», ont déclaré les responsables du Collège, tout en affirmant que les règles appliquées dans ces centres depuis plusieurs décennies n'ont jamais démontré, jusqu'à maintenant, des problèmes majeurs de qualité.

Le ministre Bolduc a indiqué samedi qu'il n'avait pas l'intention d'assouplir les nouvelles normes pour les cliniques privées, mais qu'il pourrait leur accorder un délai et une aide financière pour s'ajuster. Il a aussi déclaré que le secteur public prendrait la relève si les cliniques privées ne pouvaient pas se plier aux nouvelles normes.

La loi 34, qui exige que les avortements soient pratiqués en salles de chirurgie aménagées comme de véritables blocs opératoires, devrait être appliquée à partir du 30 septembre.