Après un mois de juin des plus chaotiques, le virus de la grippe A (H1N1) semble en perte de vitesse au Canada depuis trois semaines. Mais les autorités de santé publique s'attendent à un retour en force du virus au cours des prochains mois. Ils se préparent au pire, en espérant le meilleur.

Une deuxième vague de la grippe A (H1N1) pourrait forcer les hôpitaux québécois à annuler des opérations, à retarder des examens médicaux et à remplacer en catastrophe le personnel malade.

En fait, le plan en cas de pandémie prévoit que les hôpitaux devront procéder à un certain délestage de leurs activités pour parer au plus urgent si la grippe frappe avec vigueur.

C'est ce qui s'est produit au printemps 2003 à Toronto. Le SRAS avait alors frappé par surprise et personne n'était préparé. Seulement quelques centaines de personnes avaient contracté le syndrome respiratoire, mais, étant donné la virulence du virus, 43 personnes en étaient mortes en quelques semaines.

Le système avait fonctionné au ralenti pendant des semaines. Infirmières et médecins étaient tombés malades. Des unités de soins avaient été fermées. Économiquement, la région de Toronto a mis du temps à se remettre de la crise.

Du plus rose au plus sombre, tous les scénarios sont envisageables en ce qui concerne la pandémie de grippe A (H1N1) qui sévit maintenant partout sur la planète, souligne le Dr Karl Weiss, microbiologiste-infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Dans le cas d'un scénario-catastrophe, «l'impact sur le système de santé sera le moindre des maux parce qu'il va y avoir un impact économique titanesque. Le SRAS a coûté 8 milliards à l'économie canadienne. Une pandémie majeure pourrait coûter plusieurs centaines de milliard », explique le Dr Weiss.

Le plan de préparation à une pandémie prévoit des interventions à l'échelle tant provinciale que locale. Chaque hôpital a envisagé ce qu'il pourrait faire en cas de pandémie majeure: retarder des opérations, réserver des unités complètes au traitement des malades, ouvrir des centres de soins à l'extérieur des hôpitaux, travailler avec du personnel réduit.

Mais pour l'instant, la grippe A (H1N1) est loin de se comparer avec l'épisode de SRAS. La vague qui a frappé en avril a été relativement peu grave.

La plupart des personnes infectées ont éprouvé des symptômes bénins semblables à ceux de la grippe saisonnière.

«Beaucoup de gens ont la grippe et ne le savent même pas. Pour toutes les maladies infectieuses, c'est pareil», mentionne le Dr Alain Poirier, directeur national de la santé publique.

Ainsi, des sondages montrent que, dans la région de New York, jusqu'à 10% de la population aurait contracté le virus en un mois.

Le Québec collige actuellement ses données pour évaluer le nombre de personnes touchées. Mais déjà, certains chiffres révèlent que 50 000 Québécois auraient contracté la grippe sans le savoir.

Le virus a tout de même fait 55 victimes à ce jour au Canada, dont 19 au Québec. Mais la plupart sont des personnes dont le système immunitaire était déjà affaibli par une maladie chronique.

Le pic a été atteint en juin. «Le virus H1N1 a fait bien plus de ravage durant le mois de juin 2009 que l'influenza ordinaire n'en fait durant les mois de janvier ou février», déclare le Dr Karl Weiss, de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Le nombre de cas est à la baisse depuis trois semaines, mais la santé publique se prépare à une deuxième vague vers la fin de l'automne ou à l'hiver.

«Est-ce qu'il va nous revenir en janvier ou février, comme la grippe habituelle? Personne n'est capable de le dire. Mais compte tenu du comportement habituel du virus, ce pourrait très bien être durant l'hiver », croit le Dr Alain Poirier, directeur national de la santé publique.

Le virus risque aussi de muter. Un premier cas de résistance au Tamiflu en Amérique du Nord a d'ailleurs été signalé la semaine dernière, dans un laboratoire de Québec. D'autres cas ont été découverts au Danemark, au Japon et en Chine.

Le médicament avait alors été administré à titre préventif à un septuagénaire. «Si d'autres cas surviennent, il faudra peut-être réévaluer l'utilisation du Tamiflu en prophylaxie à grande échelle. Il faudra peut-être le réserver pour le traitement des cas plus sérieux», croit le Dr Guy Boivin, microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier de l'Université Laval, qui a fait la découverte avec son équipe.

Des travaux sont en cours au laboratoire pour tenter de déterminer si cette souche résistante du virus se transmet aussi facilement que les souches sensibles au Tamiflu. Cette donnée sera importante s'il y a une deuxième vague de grippe.